Directeur adjoint de l'Urssaf Languedoc-Roussillon, Vincent Paret

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Dans les organismes de la Sécurité sociale, de nombreux agents sont en contact quotidien avec le public. Dans la branche recouvrement en particulier, cela entraine parfois des incivilités qui ont un impact sur celles et ceux qui les subissent. C’est pourquoi, en lien avec la caisse nationale, l’Urssaf Languedoc-Roussillon a déployé un outil et des formations spécifiques sur la gestion des incivilités. Son directeur adjoint Vincent Paret fait le point avec nous.

Pourquoi avez-vous souhaité travailler sur la gestion des incivilités ?

Si elles restent heureusement peu nombreuses, nous savons que les incivilités peuvent avoir des conséquences au niveau psychologique -voire physique- pour les collaborateurs qui y sont confrontés. Les agents d’accueil et ceux travaillant sur nos plateformes téléphoniques y sont exposés, ainsi qu’une autre population spécifique à notre branche : les inspecteurs du recouvrement. Ces derniers sont en première ligne face aux entreprises et autres acteurs en difficulté, et il est normal que nous les soutenions.

Mieux traiter ce sujet était un souhait partagé à la fois de ces différents publics, leurs managers, et les représentants du personnel. Cela a rencontré la volonté de notre caisse nationale, et bien sûr l’adhésion de notre organisme pour avancer ensemble.

Qu’avez-vous mis en place ?

Parmi les axes d’amélioration déjà identifiés, il y avait le suivi des incidents. Nous avions des procédures internes pour les faire remonter, mais pas véritablement d’outil de suivi pour les objectiver et les analyser. La caisse nationale partageait ce constat, aussi elle a proposé en 2024 à plusieurs organismes dont le nôtre de se doter à titre expérimental de l’outil « RéAgir » (outil généralisé depuis dans tout le réseau du recouvrement) : nous avons saisi cette opportunité.

Concrètement, chaque salarié peut déclarer en direct une incivilité dont il a été victime. Celle-ci est signalée à la fois au manager et au pilote désigné (souvent du côté de la direction ou de la RH), générant dans le même temps un workflow de suivi. La caisse nationale peut suivre ces informations et ainsi mieux détecter d’éventuels points de fragilité, qu’ils soient locaux ou nationaux.

Concrètement, que se passe-t-il à présent lorsqu’un agent est victime d’incivilité ?

Cela donne systématiquement lieu à un entretien sur le sujet avec son manager. Celui-ci détermine ensuite s’il est nécessaire d’avoir un suivi RH, lequel peut prendre la forme d’un nouvel entretien spécifique et/ou d’un suivi spécialisé avec la médecine du travail. C’est rare, mais le dispositif permet d’aller jusque-là pour les cas graves, lorsque la santé mentale des agents est véritablement impactée.

L’arrivée de « Réagir » nous a aussi permis de systématiser l’envoi d’un courrier de la direction à chaque usager ayant commis une incivilité à l’égard d’un ou d’une de nos agents. C’est quelque chose de relativement simple et normal, pour autant nous n’avions pas toujours le réflexe de le faire. Dorénavant c’est automatique, et cela a été remarqué par les collaborateurs, avec un impact positif sur nos discussions.

Vous avez également renforcé la formation sur les incivilités…

Les formations dont nous disposions sur ce sujet n’étaient pas forcément adaptées à nos publics, il nous fallait un parcours sur-mesure. Là aussi, à l’initiative de la caisse nationale, nous avons lancé une expérimentation pour créer une formation à la gestion des incivilités à destination spécifique des inspecteurs du contrôle, en les impliquant dans son élaboration.

Nous sommes pour cela passés par un prestataire externe, qui a mis en place avec eux des focus groupes pour coller au plus près à leur situation et à leurs besoins. Des échanges ont également été organisés avec les managers et le service RH, afin que la formation aborde les circuits internes de signalement, tels que l’outil « Réagir ».

Une première version a été présentée, déjà très satisfaisante mais dans laquelle une partie des inspecteurs a souhaité inclure davantage de mises en situation. Elle a donc été retravaillée, avant d’être déployée dans tout le réseau du recouvrement. 100 % des inspecteurs du contrôle ont été formés, remplissant ainsi une demande initiale de la caisse nationale.

D’autres populations ont-elles aussi bénéficié de ces formations ?

Nous avons mené le même type de démarche pour nos conseillers offres de services (COS). Nous avons suivi un process relativement similaire avec des focus groupes, des tests, etc. mais cette fois en passant par l’Institut 4.10. Ici aussi, la formation a pu irriguer l’ensemble du réseau, en suivant le modèle impulsé par la caisse nationale : une expérimentation locale, puis un déploiement global.

Au 1er semestre 2026, nous allons également former un autre public-clé : les managers du contrôle. Dans la mesure où ils sont les interlocuteurs naturels des inspecteurs lorsque ceux-ci subissent des incivilités, il est important qu’ils soient également formés pour pouvoir traiter ce sujet avec eux. Cela avec un angle spécifique, dans la mesure où ils ne sont pas eux-mêmes victimes d’incivilités, mais doivent être attentifs à la sécurité et à la santé mentale de leurs équipes.

Quel bilan tirez-vous de toute cette démarche ?

Le sujet des incivilités reste un sujet qui concentre toute notre attention mais il est aujourd’hui mieux objectivé et la démarche de suivi et de formation a fait progresser tout notre collectif de travail. Par ailleurs, le personnel comme les managers se sont montrés très collaboratifs dans l’élaboration des formations, avec un vrai enthousiasme autour du fait de parler de leur métier et de ses spécificités, dont ils ont pu constater qu’elles étaient prises en compte. Tout cela participe d’une amélioration du dialogue en interne.

Concernant les incivilités elles-mêmes, les signalements sur « RéAgir » se poursuivent et sont pertinents par rapport au cadre que nous avons défini. Du fait que nous ayons beaucoup communiqué sur l’outil, les incidents passent beaucoup moins sous les radars et la déclaration des incivilités a augmenté. C’est une bonne chose car cela nous permet d’avoir un baromètre plus fiable, et de nous en saisir lorsque nous discutons de ce sujet.

Nous avons par exemple constaté le mois dernier une augmentation des signalements dans « RéAgir », centrés sur notre plateforme qui traite les appels CESU et Paje. Dans un contexte de réforme de la Paje et de changements sur le site internet qui ont généré des difficultés, cela nous sert d’alerte à la fois en interne et pour faire remonter le sujet à la caisse nationale.

Quelles perspectives pour la suite ?


D’ici 1 ou 2 ans, nous allons programmer des formations de suivi pour entretenir la dynamique et ne pas perdre de vue la problématique des incivilités. Nous avons commencé à en parler avec le caisse nationale et l’Institut 4.10, avec qui nous pourrions par exemple envisager de créer des modules en réalité virtuelle.

Quoiqu’il en soit, la gestion des incivilités est un sujet transversal, qui concerne tout le monde. Lorsqu’il est bien traité, il peut être vecteur à la fois de cohésion, de satisfaction et de bien-être pour les agents. Même s’il nous reste des points d’amélioration, je crois que nous sommes sur la bonne voie.