Caroline Santaniello
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Les situations conflictuelles, lorsqu’elles ne sont pas accompagnées, peuvent fragiliser les collectifs de travail et accélérer l’apparition de RPS. Pour y répondre, la CPAM des Bouches-du-Rhône a initié en 2024 une démarche structurée : diagnostic RPS puis plan d’action global. Hervé Planas, Sous-directeur des Ressources humaines, du budget et des achats, et Caroline Santaniello, Manager de secteur du service Santé et qualité de vie au travail, reviennent avec nous sur cette démarche et sur les apports pour les managers.

Pourquoi avoir mis en place ce diagnostic RPS ?

Hervé Planas : S’il y a un historique lié à la prévention des RPS dans notre organisme, avec de nombreuses actions et diagnostics, nous intervenions souvent de façon partielle, sur certains secteurs uniquement. C’est pourquoi nous souhaitions remettre à plat le dispositif, et aller vers une approche plus globale.

Caroline Santaniello : Le service Santé et qualité de vie au travail (SQVT) gère, entre autres, une cellule d’écoute et d’orientation professionnelle, le document unique de prévention des risques professionnels et il est l’interlocuteur privilégié de la médecine du travail. Après Covid, nous avons constaté une remontée de signaux indiquant une tendance à la hausse des RPS. Toutefois, il était difficile de savoir comment agir sans réaliser une cartographie précise de ces risques et de leur nature. C’est pour cela que nous avons mis en route ce travail.

Comment avez-vous fonctionné ?

HP : Avec le service Santé et QVT, nous avons commencé par créer un comité de pilotage en y associant la médecine du travail, la cellule d’écoute, l’assistante sociale et les représentants du personnel. N’ayant pas toutes les compétences en interne, nous avons souhaité nous faire accompagner par un prestataire.

Pour cela, nous nous sommes rapprochés du réseau I3R Paca (dont fait notamment partie la CARSAT Sud-Est), qui labellise des structures intervenant sur le sujet des RPS. Nous avons construit en interne le cahier des charges, puis sélectionné un prestataire (PermaSens Conseil) courant 2024.

A partir de là, nous avons d’abord mené un diagnostic quantitatif sur la base d’une grande enquête transverse auprès du personnel, puis un volet qualitatif avec des focus groupes. Cela nous a permis d’identifier 4 secteurs particulièrement exposés aux RPS, et d’élaborer avec eux des plans d’action. Aujourd’hui, nous sommes dans la mise en œuvre de ces plans d’action, qui ont été complétés par un plan d’action transverse et par un autre destiné aux managers.

CS : Concernant le questionnaire initial envoyé à l’ensemble des salariés, nous l’avons fortement accompagné en communication pour avoir le plus de participation et donc de matière possible. Les organisations syndicales ont également joué le jeu et relayé notre appel sur le terrain. Au final, nous avons eu une participation de 75 %, ce qui a permis d’arriver à un diagnostic très robuste.

HP : Précisons également que nous avons d’autres travaux en cours qui sont rattachés au projet d’entreprise, mais qui sont très liés à la question des RPS. C’est le cas par exemple de la refonte du référentiel des managers de la caisse, qui va leur donner une vision plus claire de ce que l’on attend d’eux, nous travaillons aussi en parallèle sur le dispositif d’accompagnement des managers, et en particulier sur les outils qui leur permettent de faire communauté, de prévenir l’isolement et donc contribuer à réduire les RPS au sein de cette population. 

Concernant justement les managers, qu’est-il ressorti du diagnostic RPS ?

HP : Nous avons identifié plusieurs grandes thématiques. Par ordre d’importance en termes de RPS, nous avons d’abord la question des fortes exigences émotionnelles du management, en particulier pour les managers des lignes d’accueil dont les équipes doivent gérer des situations complexes et des incivilités.

En seconde position, on trouve le sujet de l’isolement des managers, souvent mal vécu pour la prise de décisions sensibles. Puis, vient le manque d’association des managers aux décisions qui impactent leur service, comme par exemple pour les recrutements ou la rémunération.

Enfin, nos managers se plaignent également d’une surcharge de travail et d’un sur-engagement. Ainsi que d’un manque de reconnaissance professionnelle.

Qu’avez-vous mis en place sur tous ces sujets ?

CS : Au regard de ces constats, nous avons travaillé avec des représentants des managers dans les focus groupes pour faire des propositions d’actions. Au final, une trentaine d’actions a été retenue, sur 6 thématiques que sont les exigences émotionnelles, l’autonomie et l’association, l’intensité et la complexité du travail, la reconnaissance professionnelle, la stratégie d’entreprise, et enfin les modalités d’alerte et de signalement.

Pour ne parler que du premier item, à savoir la question des exigences émotionnelles, nous allons par exemple mettre en place des ateliers RH pour clarifier ce que l’on attend d’eux à ce niveau, rappeler les procédures et réduire leur charge mentale sur ce sujet. Nous allons aussi organiser des temps d’échanges entre pairs, pour partager les bonnes pratiques autant que les difficultés, afin que nos managers créent des liens dans la communauté et se sentent moins seuls. Nous allons également mettre en place des formations sur la gestion des émotions, pour que les managers arrivent à faire baisser la pression qu’ils ressentent.

Pour citer quelques autres actions, nous allons également travailler sur l’association des managers aux décisions de la direction qui les concernent, mettre en place une charte de bonnes pratiques sur l’utilisation des mails (souvent lourds à gérer au quotidien), réaliser un suivi des indicateurs de sur-engagement pour pouvoir échanger sur la charge de travail, construire un parcours d’intégration des nouveaux managers, organiser des visites terrain pour les agents de direction, ou encore réaliser un séminaire autour de la QVCT pour co-construire des valeurs et des bonnes pratiques managériales… le tout avec une évaluation régulière des facteurs de RPS, pour nous inscrire dans la durée.

Quels sont les premiers retours sur ces actions ?

HP : Nous avons pu constater que la démarche elle-même était appréciée par les managers, qui l’ont exprimé lors des groupes de parole. Les actions aussi sont jugées satisfaisantes et les managers s’y retrouvent. Nous avons par exemple de très bons retours sur les ateliers de co-développement, qui sont plébiscités.

Pour autant, il est encore trop tôt pour pouvoir réellement tirer un bilan à l’échelle de la caisse. Nous sommes encore dans le déploiement du plan d’action, qui doit se poursuivre et s’inscrire dans un temps plus long, qui plus est dans une période complexe de transformation pour l’Assurance Maladie. Nous allons présenter de premiers éléments en CSE au mois de décembre, mais il s’agira essentiellement de montrer que la démarche avance et qu’elle fait partie des priorités de notre organisme.

Quelles perspectives pour la suite ?

CS : En plus du déploiement des plans d’action déjà actés, les diagnostics RPS se poursuivent dans de nouvelles entités. Nous en avons réalisé un 7e dans les agences physiques de notre caisse. Il a lui aussi été réalisé avec notre prestataire, mais à terme c’est notre service SQVT qui prendra le relais, car il a été formé à cet exercice.

Nous devrons également adapter notre démarche en fonction d’autres éléments de contexte. Comme par exemple les actions que nous mettons en place autour de la grande cause 2025, la santé mentale, qui vont venir nourrir la thématique de la prévention des RPS. Ou bien les remontées des services, qui pourront nous aider à mieux orienter nos actions.

Sur le moyen terme, en plus du suivi d’indicateurs, l’idée serait de refaire passer un grand questionnaire RPS tous les 3 ans à l’ensemble des salariés de la caisse pour disposer d’une photographie actualisée. Ainsi nous pourrons voir ce qui s’est amélioré, et là où nous devons encore progresser.