Charte managériale, prévention, dialogue...
Christine Mansiet, Directrice
et Caroline Moulié, Responsable des ressources humaines, de la Caf de la Gironde
Détérioration du climat social, baisse de la motivation et de la productivité, turnover et absentéisme… les organisations qui connaissent une forte conflictualité peuvent être confrontées à toutes sortes de problèmes. C’est pourquoi la CAF de la Gironde a mis en place depuis plusieurs années de nombreux outils pour prévenir et résoudre les conflits. Respectivement Directrice et Responsable des ressources humaines de la Caisse, Christine Mansiet et Caroline Moulié nous expliquent leur démarche.
Pourquoi avoir décidé d’agir sur le sujet des conflits ?
Christine Mansiet : Lorsque je suis arrivée il y a 6 ans à la CAF de la Gironde, j’ai été interpellée par le niveau de conflictualité qui régnait. Cela se traduisait notamment par une culture syndicale très oppositionnelle et par une culture hiérarchique qui était elle aussi très forte et très ancrée.
Ces problématiques existent bien sûr ailleurs au sein de notre institution, mais elles étaient nettement plus marquées que ce que j’avais pu connaître notamment à la Caisse de l’Essonne, dont j’étais directrice auparavant. J’y avais réalisé un travail important sur la culture managériale, que j’ai décidé d’impulser également au sein de la CAF de la Gironde.
Comment avez-vous mené ce travail sur la culture managériale ?
CMa : Nous avons missionné un prestataire externe pour nous aider, car avec près de 800 salariés il était compliqué pour nous de porter ce type de démarche seuls en interne, d’autant que l’équipe RH était déjà bien occupée sur ses autres missions.
Le diagnostic a d’abord montré que de nombreux éléments de la culture interne s’étaient perdus, occasionnant un repli sur la seule atteinte des objectifs. Au point d’en arriver à une sorte de « tyrannie » des indicateurs, conduisant à une perte de sens pour les collaborateurs et à une détérioration globale des relations au sein de la Caisse. C’est ce qui nous a conduits à mettre très vite en chantier une charte managériale.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette charte managériale ?
CMa : Nous l’avions d’abord appelée « Charte des managers », mais après discussion nous avons trouvé que le nom « Charte des relations managériales » était plus juste, car il mettait l’accent sur le fait que les managés eux aussi ont une part de responsabilité – le management étant une relation, et donc une œuvre collective. Ce travail a permis de définir 3 grandes thématiques que sont le manager responsabilisant, le manager entrainant, et le manager accompagnant.
Caroline Moulié : Pour élaborer cette charte, nous avons fonctionné avec plusieurs groupes de travail intégrant des managers et des collaborateurs, sur la base d’un appel à volontaires. Nous avons réuni 80 personnes environ, soit 10 % de notre effectif. Tous ont travaillé à définir les besoins puis les postures des managers. Les 3 postures ont été ensuite retravaillées lors d’un séminaire managers pour définir de façon concrète les attendus, et ce que cela signifiait pour eux comme pour les collaborateurs.
Comment cette charte a-t-elle été déployée ?
CMo : L’ensemble de l’équipe RH a d’abord accompagné les managers pour dresser un état des lieux global de la culture managériale. Cela s’est fait via un questionnaire, une fois les postures identifiées et présentées à l’ensemble des managers et collaborateurs.
Nous avons ensuite proposé à chaque manager de venir présenter avec lui de façon plus spécifique les postures à ses collaborateurs, et de faire avec eux un état des lieux détaillé du service, pour identifier des objectifs collectifs sur lesquels travailler en première année.
Pour nous assurer que cela infuse efficacement, ces objectifs ont été intégrés au sein des entretiens annuels. La seconde année, nous sommes revenus vers les managers avant la campagne annuelle d’évaluation pour impulser de nouveau le travail sur les postures.
Avez-vous mobilisé des outils complémentaires ?
CMo : Oui, l’année passée nous avons profité d’un séminaire sur la santé au travail pour sensibiliser les managers à l’outil de mesure SLAC (sens, activité, lien, confort) élaboré par deux chercheurs de l’IAE de Grenoble. Il s’agit d’une ressource utile pour animer un espace de discussion et déterminer quels sont parmi ces 4 axes les objectifs prioritaires de l’équipe.
Cela permet de continuer à impulser notre charte de la relation managériale, tout en utilisant un prisme différent… et ludique. Car il s’agit d’une approche sous forme de jeu, à laquelle une partie de l’équipe RH a été formée pour pouvoir intervenir à la demande des managers. Nous n’avons rien voulu imposer, car nous savons qu’il faut un certain degré de maturité sur ces questions et que l’évolution se mesure sur le temps long.
Les managers peuvent ainsi nous solliciter pour intervenir s’ils ressentent des tensions dans leur service. Nous avons à ce titre suivi également une formation sur la qualité relationnelle, dispensée par l’Ecole professionnelle de la médiation et de la négociation de Bordeaux. En complément, j’ai été certifiée médiatrice professionnelle à la demande de Mme Mansiet, afin que nous disposions d’un médiateur interne en cas de conflit.
Disposez-vous d’autres ressources clés en interne ?
CMa : Oui, nous avons une personne très précieuse qui assure l’analyse des pratiques professionnelles. Elle faisait déjà partie de la Caisse lorsque je suis arrivée et j’ai tenu à ce que nous capitalisions sur son expertise en matière de prévention des conflits.
Elle peut intervenir en toute indépendance à la demande d’un agent de direction ou d’un manager lorsqu’il y a des difficultés qui peuvent être les prémices d’un conflit. Nous l’intégrons également systématiquement à l’équipe lorsque nous menons de grands projets, de façon à déminer en amont les sujets potentiellement conflictuels. Comme sa compétence est rare voire unique dans notre réseau, nous l’avons aussi mise à disposition des autres caisses de la région.
Quelles autres actions avez-vous menées pour réduire la conflictualité ?
CMo : Suite au Covid, nous avons mis en place des espaces de discussion. Cela s’est fait progressivement, et aujourd’hui nous sommes en mesure de travailler sur la relation de travail dans un contexte de confiance. Cela pour pouvoir améliorer les process, aborder les difficultés, ou encore parler de souffrance psychique lorsqu’elle existe – y compris au niveau purement personnel hors de la Caisse, car cela joue aussi. C’est une démarche animée par l’équipe RH et qui est très riche, car elle nous permet de récolter beaucoup d’informations au niveau du terrain, et ensuite d’adapter nos services pour mieux accompagner les managers.
CMa : Nous avons également signé un accord sur les risques psychosociaux avec les organisations syndicales. Cela a notamment permis de les embarquer à nouveau avec nous sur l’ensemble des sujets, de sorte que nous avons aujourd’hui un niveau de dialogue tout à fait satisfaisant. Le plus difficile étant derrière nous, nous avons également pu élaborer ensemble un accord sur la qualité de vie au travail et les conditions de travail.
Grâce à toutes ces démarches, le climat social au sein de la Caisse est aujourd’hui beaucoup plus apaisé. La démarche de prévention a été fructueuse et, s’il peut subsister des conflits, ils se résolvent maintenant beaucoup plus facilement. Lorsque je suis arrivée, nous avions une bonne quinzaine de procédures prud’homales en cours. A présent, c’est heureusement devenu marginal.