Faire de l’entretien d’évaluation un levier de développement
L’entretien d’évaluation est un moment clé pour aider ses collaborateurs à progresser – et ainsi jouer son rôle de développeur des compétences et de la performance. C’est aussi un moment délicat, qui nous tend trois pièges qu’il est utile d’avoir à l’esprit :
- Rester sur un échange superficiel. L’entretien met en jeu des émotions fortes. L’évaluateur peut craindre de provoquer de la défiance ou du ressentiment avec des propos mal reçus. Et l’évalué peut être tenté de jouer la sécurité, en évitant avant tout de contrarier son supérieur. Cela peut créer une forme d’évitement de part et d’autre peu propice à des échanges éclairants.
- Parler surtout du négatif. Les succès et les points forts sont rapidement admis par chacun. Au contraire, l’évaluateur veillera souvent à bien justifier ses critiques, ou le fera à la demande de l’évalué. Il en résulte qu’on creuse surtout les difficultés de façon exhaustive. Or mieux construire sur ses forces est souvent plus générateur de performance que de travailler à combler ses lacunes.
- S’interdire toute remarque personnelle. Par crainte de sortir du cadre professionnel, ou d’être intrusif, le manager peut s’interdire de parler de la façon d’être. Par exemple, un collaborateur peut être freiné dans ses prises de décision par peur de la prise de risque. Comment aborder le sujet sans que cela passe pour une intrusion dans le domaine personnel ? Cette difficulté incite souvent à passer des sujets sous silence – et prive ainsi d’opportunités de progrès.
Voici quatre pistes pour surmonter ces écueils :
1. Discuter du comment, autant que des résultats

Lorsqu’on conduit un entretien d’évaluation, on peut vouloir s’en tenir aux résultats, qui ont pour mérite d’être incontestables. Or, pour soutenir la montée en performance, il est précieux de susciter une prise de recul sur la façon de faire. Cela nécessite parfois de prendre des risques en suggérant des interprétations : « Pensez-vous avoir suffisamment rassuré le gestionnaire conseil sur la façon de surmonter les oppositions que ce projet allait rencontrer ? » Ainsi, au-delà du constat, on peut enclencher une réflexion sur ce qui aurait pu être fait différemment, et préparer le terrain à un changement.
Un autre registre souvent ignoré mais à prendre en compte est celui des efforts. Reconnaître les efforts entrepris, que les résultats soient atteints ou non, peut avoir un impact déterminant sur la persévérance de la personne à travailler sa montée en compétence : « J’ai trouvé très pertinent d’engager des tests pour fiabiliser l’expérience des usagers. C’est en poursuivant dans ce sens que vous atteindrez nos ambitions ».
2. Viser avant tout l’auto-évaluation

Pour monter en compétence, un collaborateur doit vouloir apprendre. Il ne fournira de réels efforts que s’il perçoit sincèrement ses besoins de développement. De ce point de vue, votre évaluation n’a de valeur que comme un éclairage que vous lui apportez pour l’aider à mieux jauger son niveau de performance, identifier ses atouts et les domaines sur lesquels travailler. C’est pourquoi, pour soutenir la performance d’un collaborateur, donnez-vous comme objectif de renforcer la qualité de son auto-évaluation, encore plus que de présenter votre propre évaluation, aussi argumentée soit-elle.
Cette façon de voir peut changer du tout au tout la façon d’envisager l’entretien. Elle conduit à donner fortement la parole à celui qui est évalué, en l’invitant à s’exprimer sur la façon dont il perçoit sa performance et ses besoins de développement. Vous pourrez ensuite engager un dialogue propice à faire part de vos suggestions.
3. Mettre l’accent sur les forces de la personne

Beaucoup de managers veillent à dresser la liste des points forts autant que celle des lacunes à combler. Mais très souvent, ces points forts sont tenus pour acquis tant par l’évalué que l’évaluateur : contrairement aux difficultés, ils ne donnent pas lieu à discussions approfondies.
Passer trop vite sur les points forts est une erreur. En effet, chercher la meilleure façon de développer ses points forts et de les mettre à profit est souvent plus porteur de progrès que vouloir corriger un défaut. Et le regard de l’évaluateur est tout aussi précieux pour comprendre ses forces que ses difficultés. De plus, une louange qui est fondée renforce la confiance dans ses capacités et donne le désir de faire encore mieux. Par contraste, la critique marque l’esprit, mais suscite moins l’énergie de changer. Ainsi, il faut veiller à développer et argumenter la présentation des points forts tout autant que celle des points d’amélioration – et prendre le temps d’explorer comment progresser avec leur aide.
4. Echanger ouvertement en gardant ses distances

Un entretien d’évaluation sera d’autant plus utile qu’il aidera la personne à prendre du recul sur sa façon d’aborder certaines situations, au-delà des compétences techniques : savoir demander de l’aide, trancher dans l’incertitude, susciter la confiance de ses interlocuteurs, etc. Aborder ces sujets suppose ainsi d’entrer sur un terrain personnel : celui des émotions, de la personnalité, de la façon de voir les choses. Certains évaluateurs s’y refusent, mais se privent ainsi de l’opportunité d’apporter une aide précieuse à leur collaborateur.
Il est pourtant possible d’aborder ces sujets tout en étant respectueux de son collaborateur. Pour ce faire, rappelez à celui-ci qu’il est totalement libre de dévoiler certaines choses ou non ; marquez par votre attitude une distance qui aidera le collaborateur à bien distinguer l’intimité des sujets abordés de l’intimité de la relation – de même qu’on ne devient pas intime avec son médecin parce qu’on aborde des sujets privés lors d’une consultation. Pensez également à clairement clore l’entretien d’évaluation pour marquer la fin du moment dans lequel votre collaborateur a fait le choix de s’ouvrir sur des sujets personnels, dans un but professionnel bien précis.
Article rédigé par Manageris