Mieux former grâce à l'IA
Avec l'Ucanss, un marathon pédagogique pour imaginer comment mieux former... Avec l'aide de l'IA !
Si l’innovation technologique apporte de nouveaux outils et fonctionnalités permettant d’améliorer le service pour nos publics, elle a aussi un rôle à jouer en amont dans la chaîne de valeur, et notamment au niveau de la formation des agents. C’est ce que l’Ucanss a pu démontrer à travers un marathon pédagogique organisé autour de l’IA (intelligence artificielle), en octobre dernier. Retour sur cette initiative avec Benoît Eymery, directeur de la formation professionnelle à l’Ucanss, et Marie Froment, manager du pôle innovation et alternance au sein de son équipe.
Comment appréhendez-vous l’innovation, en lien avec la formation ?
Benoît Eymery : Nous avons une approche globale pour envisager les innovations à la fois en matière d’ingénierie pédagogique, de formation professionnelle, et de technologie, afin de réfléchir à tout ce qui peut permettre de mieux former aujourd’hui et demain les collaborateurs. Les évolutions technologiques (IA, réalité virtuelle…) sont à ce titre des outils intéressants, que nous évaluons pour comprendre ce qu’ils peuvent apporter à nos pratiques au sein de la Sécu.
Nous animons cette réflexion avec les caisses nationales ainsi que les organismes locaux. Nous nous demandons en particulier où positionner le curseur et jusqu’où nous souhaitons aller ou non. L’enjeu est d’identifier et de saisir les opportunités intéressantes pour nous.
Marie Froment : C’est dans ce cadre que nous nous sommes emparés du sujet autour de l’IA. En 2023, nous avons souhaité expérimenter ces technologies d’IA génératives dont on disait qu’elles allaient bouleverser nos façons de travailler. C’est pourquoi nous avons monté au sein de notre direction et grâce à Benoît une petite équipe pour regarder ce que les IA gratuites nous permettaient d’imaginer sur le volet de la conception pédagogique…
Comment en êtes-vous arrivés à lancer un marathon pédagogique autour de l’IA ?
MF : Forts de cette première expérimentation restreinte, nous avons compris que notre métier allait évoluer et que l’IA pouvait nous aider à aller plus vite et à être plus créatif, et – élément rassurant - l’humain resterait toujours capital et central ! Ce sont des conclusions que nous avons voulu étendre et partager au sein des acteurs de la formation du régime général, grâce à un programme dédié, Apprendre de toutes les intelligences.
Nous avons embarqué 60 personnes représentatives de nos métiers, avec des formateurs, des chefs de projet ou des managers de service RH, issus de tous les réseaux, de la MSA et du CPRP SNCF, ou encore de nos organismes de formation institutionnels que sont l’Institut 4.10 et l’EN3S. Tous ces collaborateurs ont passé 4 mois à réfléchir ensemble en distanciel, à la fois en sous-groupes et en séances plénières, sur les façons de mieux former.
Le marathon pédagogique a été l’atterrissage du programme : 2 jours en présentiel pour créer des formations à l’aide des IA.
Comment avez-vous organisé ces 2 journées ?
MF : Après toute la réflexion amont, ce marathon avait pour objectif de produire quelque chose de concret. Nous avons pour cela choisi 2 thématiques de formation transverses et stratégiques que sont la gestion des incivilités en situation d’accueil et l’art du feedback. Comme on ne voulait pas que les collaborateurs passent leur temps à collecter de la matière, nous leur avons fourni un kit de départ avec un fonds documentaire prêt à l’emploi.
Pour la ligne d’arrivée de ce marathon, nous avons voulu fixer un objectif atteignable en leur proposant d’aller jusqu’à la production de l’ingénierie pédagogique, c’est-à-dire de dresser un synopsis, de développer un scénario et certaines saynètes, mais en s’arrêtant avant la médiatisation.
BE : Nous voulions d’abord créer de l’émulation, faire se rencontrer tous ces acteurs, et leur permettre de créer ensemble quelque chose de concret dont nous pourrions nous saisir et que nous pourrions déployer ensuite. Pour cela nous avons fonctionné là aussi en sous-groupes et en temps collectifs. Au final, les résultats ont dépassé nos espérances !
Comment ce marathon s’est-il déroulé et qu’en est-il ressorti ?
MF : Nous avons eu la très bonne surprise de voir que tous les participants ou presque avaient poussé l’exercice jusqu’à la phase de médiatisation de projets, y compris avec des groupes qui avaient réalisé des teasers pour la promotion de leurs idées. C’est sans doute aussi lié au fait que nous avions nous-mêmes inclus un atelier autour de la médiatisation pour leur montrer l’étape d’après, et qu’ils n’ont pas hésité à s’en saisir.
Les conceptions étaient globalement très créatives et très poussées. Je pense que la dynamique qui s’était installée entre eux durant le programme a fortement contribué à cela. Nous avons aussi fait en sorte de nous appliquer à nous-mêmes pour le marathon le principe que nous prêchons sur les formations, à savoir de s’adapter le plus possible aux apprenants. Nous avons ainsi aménagé le programme pour permettre aux participants de passer plus de temps en sous-groupes pour produire davantage, ce dont ils étaient demandeurs.
BE : C’est aussi le rôle de l’Ucanss, en tant que fédération d’employeurs, de faire vivre l’envie de réfléchir et de faire des choses ensemble, en permettant ce type de rencontres. En dehors des temps de travail, ces 48 heures ont aussi permis aux 60 participants de partager des temps conviviaux, qui sont autant de respirations importantes dans un collectif de travail.
C’est aussi cela qui a décuplé leur motivation et permis d’aller plus loin que les prototypes macro auxquels nous nous attendions. J’ai le sentiment que tous avaient le sourire aux lèvres du début à la fin de ce marathon : la bonne humeur était palpable et c’est évidemment très positif.
Quel a été le retour d’expérience des participants ?
MF : En début de programme, certains participants arrivaient avec des interrogations pour ne pas dire des craintes au sujet de l’IA. Pourtant, au sortir de cette étape finale qu’était le marathon pédagogique, 100 % d’entre eux nous ont dit avoir compris son utilité. Surtout, près de 80 % nous ont confié désormais utiliser l’IA dans leur pratique professionnelle. Ils se sont donc approprié cet outil, notre objectif est atteint.
Ce programme leur a également donné envie de poursuivre cette démarche d’intelligence collective et de rester en contact. Cela a créé un désir de partage en interbranche, c’est un résultat fort. En parallèle, cela leur a donné envie de décliner le programme en local. D’autant que les productions ont donné lieu à des guides pour prendre en main l’IA et l’utiliser pour de la conception pédagogique, que nous allons pouvoir partager. Nous espérons mettre rapidement en chantier une 2e édition !
En conclusion, comment les managers peuvent-ils selon vous se saisir de l’IA ?
BE : Pour moi l’IA est d’abord un outil. C’est bien sûr une révolution technologique, mais ce n’est pas l’IA qui va former les collaborateurs. La réflexion du manager, en lien avec chaque collaborateur, doit venir d’abord. Il leur faut avant tout échanger autour de la capacité et de l’envie d’évolution, et ce n’est qu’ensuite que l’IA peut intervenir pour accélérer les process et former mieux ou de façon plus créative.
Pour adapter au mieux les outils de formation à chacun, on commence par exemple aujourd’hui à voir émerger des IA qui promettent de transformer des documents Powerpoint en podcasts. C’est évidemment un atout pour la formation, mais l’IA ne reste qu’un outil facilitant : elle ne fera jamais le travail du manager, ni du formateur.
MF : Oui, converser avec une IA demande de bien communiquer. Si l’on ne pose pas les bonnes questions, ce n’est pas l’IA qui nous fournira les bonnes réponses. Je suis optimiste quant à notre capacité à nous saisir collectivement de ces nouveaux outils, à en affiner la pratique, et à les utiliser au mieux pour nous et in fine pour tous nos publics.