L’espace de discussion, un outil puissant pour améliorer la communication au sein des équipes de la Cpam Loire-Atlantique

Bruno Rondeau, Manager du secteur Qualité de Vie et Conditions de Travail

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Connaissez-vous l’espace de discussion ? Ce dispositif d’expression sur le travail et son organisation est l’un des outils proposés aux managers de la CPAM de Loire-Atlantique pour faciliter la communication des équipes. Manager du secteur Qualité de Vie et Conditions de Travail, Bruno Rondeau a contribué à la mise en place de ce nouveau dispositif au sein de la caisse : il revient avec nous sur la démarche, et nous explique son intérêt.

Vous avez dit « espaces de discussion » ?

Les espaces de discussion sont des espaces collectifs qui permettent une discussion centrée sur l’expérience de travail et ses enjeux, les règles de métier, le sens de l’activité, les ressources, les contraintes, etc. Cette discussion, dont le vecteur principal est la parole, se déroule suivant un cadre et des règles co-construites avec les parties prenantes. Ce sont des espaces inscrits dans l’organisation du travail. Ils s’articulent avec les processus de management et les Instances Représentatives du Personnel (IRP), et visent à produire des propositions d’amélioration ou des décisions concrètes sur la façon de travailler.

Source : https://www.anact.fr/mettre-en-place-des-espaces-de-discussion

D’où vient la mise en place de ces espaces de discussion dans votre Cpam ?

Bruno Rondeau : A l’origine, j’ai intégré l’Assurance maladie en tant qu’infirmier du travail en 2011 sur le site de Nantes et les agences. Avec ma collègue du site de St Nazaire, nous avons été sollicités pour mettre en place un projet de cellule d’écoute, afin de prévenir les risques psycho-sociaux (RPS). La démarche s’est développée, avec la mise en place d’un psychologue du travail et d’une assistante sociale. En 2015, j’ai intégré le service qualité de vie au travail et conditions de travail qui venait d’être créé au sein de la caisse, et j’ai poursuivi en étoffant l’offre en particulier sur ce qui concerne le versant des conditions de travail.

Suite à des échanges en CSSCT, nous avons identifié le besoin d’être davantage outillé pour traiter les RPS de façon préventive, en se centrant sur le travail. Mes recherches m’ont orienté vers l’ANACT qui m’a orienté vers les Espaces de Discussion. J’ai pris contact avec un cabinet de psychologues du travail qui nous a accompagné sur la formation et le lancement de la démarche

Comment s’est passée l’acculturation à ce dispositif ?

Bruno Rondeau : Dans un premier temps ce sont les membres de la CSSCT ainsi que les fonctions dédiées de la branche RH qui ont été formés. D’abord avec un module de formation spécifique aux RPS, puis avec une présentation des différents outils de prévention, dont l’espace de discussion. A notre tour, nous avons ensuite formé l’ensemble des managers de la Caisse à ce nouvel outil.

Durant celle-ci, nous procédons en deux temps. D’abord, nous abordons la partie « théorique » de ce qu’est un espace de discussion. Puis nous passons à un temps d’expérimentation, pour que chaque participant puisse voir concrètement comment se passe la conduite d’une réunion. Nous leur expliquons notamment que l’espace de discussion se tient sur une durée très limitée, de 2 à 3 heures grand maximum, à l’issue de laquelle est co-construit, avec les participants, un plan d’actions «  flash ». De sorte que la problématique soit traitée en une demi-journée, avec un « qui fait quoi » clair et une mise en place rapide dans les jours qui suivent.

Comment fait-on ressortir la problématique à traiter ?

Bruno Rondeau : Nous y travaillons en amont avec la personne qui vient me voir pour ouvrir l’espace de discussion, généralement les managers. Ils me font part d’une situation de travail qu’ils veulent traiter collectivement, et qui engendre un « irritant » dans le collectif de travail. Je vérifie avec le manager qui me sollicite pour l’animation que nous sommes bien en présence d’un décalage entre ce qui relève du travail prescrit, du travail réel et le vécu par les équipes. C’est tout l’intérêt de l’espace de discussion que de pouvoir évaluer le différentiel qui existe entre le travail prescrit et la réalité du terrain.

Nous traitons ces disparités avec le manager pour aboutir à une problématique unifiée. Souvent, je démarre sur une thématique précise comme le sens du travail, un sujet organisationnel, ou bien quelque chose en lien avec une procédure ou l’arrivée d’un nouvel outil. Dans ce cas, nous partons de ce nouvel outil et nous abordons la thématique sous le prisme à la fois des freins et des atouts qu’il apporte.

Comme nous l’avons vu, l’Espace de Discussion porte sur une thématique en lien avec le travail. Généralement, elle provient d’une problématique vécue dans l’activité. L’Espace de Discussion va aider le collectif à repérer et analyser précisément et rapidement la ou les situations de travail qui posent problème. Nous demandons ainsi concrètement à chacun d’exprimer ce qu’il a pu observer et vivre de positif et de négatif par rapport au sujet qui est sur la table. Le fait d’avoir une problématique unique aide également les managers à y voir plus clair, d’autant que nous sommes uniquement sur le champ du travail et non dans l’émotionnel.

Comment se déroule concrètement un espace de discussion ?

Bruno Rondeau : Chacun va d’abord prendre la parole pendant quelques minutes (il faut que ça reste assez court) pour aborder ce qui fonctionne pour lui et donc qui est intéressant à conserver, et ce avec quoi au contraire il n’est pas à l’aise, avec à ce moment-là les solutions qu’il propose. Ainsi, le plan d’action commence à se bâtir au fur et à mesure.
En parallèle, il y a l’animateur (moi en l’occurrence) qui pratique l’écoute active et organise les échanges, mais aussi une personne désignée comme le « scribe » et qui se tient à l’écart des discussions. Sa mission est de noter les échanges plus informels autour de la discussion. C’est ainsi que l’on va voir se profiler les sous-thématiques, comme par exemple la charge de travail.

A l’issue de cette première phase, le scribe fait une restitution détaillée avec le classement des sous-thématiques. Cette étape est importante car elle nous permet de prioriser les sujets à traiter. Puis arrive la phase de construction concrète, à savoir qui fait quoi, quand, comment, bref un plan d’action classique. Et rapidement un suivi conjoint du manager avec l’animateur peut se faire, pour identifier ce qui a été mis en place, ce qui a dû être reporté, et ce qui n’a pas pu se faire.

Quelles seraient les précautions à prendre autour de ce dispositif ?

Bruno Rondeau : C’est un outil puissant si nous bien sur des problématiques techniques, qui touchent vraiment à l’activité, aux règles métiers, aux contraintes, aux ressources, au sens donné au travail, aux conditions de réalisation… mais qui n’est pas du tout adapté pour traiter les conflits ou les problèmes relationnels.

Il faut également être vigilant quant à la façon de conduire l’animation. Les clés sont la suspension du jugement, la bienveillance, et l’écoute. Il faut éviter de rentrer dans des débats : lorsqu’une personne s’exprime, toujours en disant « je » et en parlant pour elle, elle doit pouvoir aller au bout de son propos sans être interrompue.

Il est important d’être vigilant également à la restitution et à la façon de mettre en place le plan d’action. Il faut idéalement que les volontaires se désignent directement, sinon ça devient plus compliqué et c’est le manager qui risque de se retrouver avec tout le travail à faire. Il faut donc préparer cela avec lui en amont, y compris en anticipant la façon dont les problématiques peuvent remonter, afin qu’il puisse les entendre.

Quel bilan en tirez-vous personnellement ?

Bruno Rondeau : J’ai pu animer une dizaine d’espaces de discussion depuis un an et demi, et je trouve que c’est un bel outil de prévention notamment des risques psychosociaux, qui permet d’intervenir avant que les problématiques ne dégénèrent en sujets interpersonnels, plus complexes à traiter. Ce n’est évidemment pas le seul dispositif possible, mais il fait partie aujourd’hui de la boîte à outils du manager.

L’espace de discussion doit permettre de mettre l’émotion à distance… ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a jamais d’émotions qui ressortent : dans ce cas, j’essaye de creuser le sujet, de voir ce que la personne vit mal, quel est son besoin et ce qu’elle propose par rapport à ça.

Enfin, même si je ne suis pas en capacité d’animer des espaces de discussion hors de mon organisme, je peux tout de même expliquer la démarche et organiser des formations pour les personnes qui seraient intéressées. J’encourage tous les managers à le tester pour résoudre une problématique de travail, hors RPS : non seulement c’est d’une efficacité remarquable, mais cela permet aussi de responsabiliser davantage les équipes… qui ont beaucoup de ressources et de bonnes idées !