Entretien annuel : aux origines de l’auto-évaluation, avec la CPAM du Calvados
Dans le cadre de leur entretien annuel, les collaborateurs de la Sécurité sociale étaient historiquement évalués uniquement par leur manager. Depuis 2020, ils sont également invités à s’auto-évaluer. La démarche a été expérimentée en 2018, notamment par la CPAM du Calvados, avant d'être pérennisée et généralisée.
Ingrid Morin Responsable du département Ressources Humaines de cette caisse, revient avec nous sur la genèse et le développement de ce projet dans son organisme.
Comment a émergé cette idée d’auto-évaluation ?
IM : Elle est née du constat partagé selon lequel l’entretien annuel était devenu un exercice purement formel, dans lequel les collaborateurs s’investissaient moins. En parallèle, l’outil Alinéa (outil pour les entretiens) donnait un cadre assez rigide à l’évaluation, peu propice à l’échange.
Tout cela aboutissait à une pratique très descendante, qui ne créait pas d’échange et ne faisait plus vraiment sens. Les managers eux-mêmes souhaitaient redonner une nouvelle dynamique à ce moment important d’échange avec leurs collaborateurs.
C’est à ce moment que l’idée a germé de passer d’une d’évaluation « statique » à une dynamique d’échange. Un des objectifs principaux était de repositionner le salarié au cœur de son évaluation et de son parcours professionnel.
À quel moment est venue l’idée d’expérimenter autre chose ?
IM : Parmi les piliers de notre schéma directeur RH 2018-2022, deux axes étaient prioritaires : l’accompagnement de la transformation managériale et la promotion des compétences.
Dans ce contexte, nous voulions mettre en place un outil qui permette notamment de redynamiser ce moment important qu’est l’entretien annuel.
Ainsi nous avons constitué un groupe de réflexion sur le sujet. Au même moment, le Lab de la Sécurité sociale a lancé un appel à projets sur le thème de l’évaluation. Nous nous sommes positionnés et avons été retenus pour expérimenter de nouvelles modalités d’évaluation, début 2018, avec pour objectif de rendre les collaborateurs à nouveau acteurs de leur entretien.
« Chacun a pu constater qu’une meilleure préparation de l’entretien permettait de redonner un rôle plus actif et de les impliquer davantage dans l’échange durant l’entretien. »
Comment avez-vous mené cette expérimentation ?
IM : Après avoir présenté la démarche aux représentants du personnel et aux managers, nous avons fait appel à des volontaires au sein de la CPAM du Calvados, managers et collaborateurs Nous avons retenu une quinzaine de personnes au total, dans quatre métiers différents (management, technicien, expert). Nous avons ensuite ciblé cinq compétences à auto évaluer.
S’agissant d’une expérimentation, et afin de garantir l’homogénéité de traitement des salariés, il a été convenu que pour les participants à l’expérimentation, celle-ci ne se substituerait pas à l’évaluation annuelle conventionnelle.
Concrètement, quel était le nouveau process d’évaluation ?
IM : En amont de leur entretien, il s’agissait pour les collaborateurs de remplir une matrice Excel d’auto- évaluation sur les cinq compétences choisies.
Cette grille était partagée ensuite avec le manager afin qu’il évalue le collaborateur en regard des éléments fournis par le collaborateur. Enfin, lors de l’entretien, cette grille servait alors de base de discussion et d’échanges.
Quels ont été les retours à la suite de cette expérimentation ?
IM : Le bilan a été très positif, pour les managers comme pour les collaborateurs. Chacun a pu constater qu’une meilleure préparation de l’entretien permettait de redonner un rôle plus actif et de les impliquer davantage dans l’échange durant l’entretien. Faire ensemble un travail de rétrospective permet de mettre en avant des dossiers/sujets gérés dans l’année et valorise les compétences mobilisées. Il est intéressant de noter que les collaborateurs avaient tendance à s’évaluer moins favorablement que leurs managers.
Néanmoins, ce travail nécessite un temps de réflexion dédié à cet exercice qui doit être proposé à chaque collaborateur.
On peut ajouter également que cette réflexion préalable responsabilise également davantage. Ce projet a été bien accueilli par tout le monde et par les instances représentatives du personnel.
À quoi ressemble aujourd’hui le process d’entretien ?
IM : L’auto-évaluation est généralisée depuis 2020. Elle est désormais intégrée à l’outil Alinéa, avec deux espaces distincts et face-à-face : la pré-évaluation du collaborateur d’un côté, et les commentaires du manager de l’autre. Ils peuvent ainsi échanger leurs points de vue, compléter leur analyse, illustrer leur propos.
Quel bilan tirez-vous après quelques années de généralisation ?
IM : Ce projet s’inscrit dans une démarche collaborative et responsabilisante. Je vous laisse aussi découvrir les témoignages des personnes qui ont participé ci-dessous.
Découvrez les témoignages d’évalués et d’évaluateurs
Paroles d’évalués :
« J’ai accepté car c’est intéressant de voir autre chose et de tester quelque chose de plus dynamique. »
« L’aspect descendant de l’EAEA était trop lourd, l’autoévaluation est quelque chose pour moi d’intéressant. »
Paroles d’évaluateurs :
« La démarche est nouvelle et se recentre sur l’analyse personnelle du collaborateur : qu’est-ce que j’ai fait ? »
« Les échanges ont été plus riches et plus vivants. Les projets qu’ont menés les collaborateurs ont été mieux valorisés, certains ont même été découverts. La dynamique autour des compétences et des projets de carrière de nos collaborateurs, tout en permettant aux managers de découvrir de nouvelles facettes de leurs équipes, y compris hors du champ professionnel : c’est donc une réussite.
Il est également clair que celle-ci a été possible parce que nous avons pu y consacrer le temps nécessaire, pour à la fois expérimenter, co-construire, communiquer et acculturer tous les acteurs. »