« La Sécu permet de concilier vie pro et perso »
Directrice déléguée de l’Urssaf Caisse nationale, Sophie Patout a pu évoluer au sein de l’Institution, tout en investissant sa vie parentale. Pour #Leaddersauféminin, elle se confie sans angélisme sur son parcours et son attachement au réseau Sécu, qui lui a permis d’exercer des fonctions diverses et porteuses de sens.
Vous êtes sortie de l’Ecole nationale Supérieure de Sécurité sociale (EN3S) en 2005. 18 ans plus tard, vous êtes Directrice déléguée de l’Urssaf Caisse nationale. Aviez-vous ce plan de carrière en tête dès vos études ?
Je n’avais pas d’objectif aussi précis en tête, non (rires). En revanche, j’ai eu envie assez tôt d’exercer des fonctions à responsabilités, de participer à la dimension stratégique d’une institution publique. Je viens du Nord, de Douai, et j’ai eu un parcours assez classique.
J’ai débarqué à 17 ans, seule à Paris, pour faire l’école de mes rêves : Sciences Po. J’avais déjà envie d’intégrer le service public, c’est sûrement lié à mon éducation, car mes parents travaillaient dans ce secteur. En plus de ma formation à Sciences Po, j’ai suivi un DEA de finances publiques à la Sorbonne, puis je me suis préparée assez naturellement aux concours des services publics. À ma sortie de l’EN3S, j’ai eu la chance de réaliser un stage à l’Urssaf de Paris, et j’ai démarré ma carrière dans la branche recouvrement. Je dis souvent en plaisantant que j’ai quasiment fait le tour des fonctions dans cette Urssaf : pilotage du contrôle des cotisants, gestion de la production, responsable de plateforme téléphonique, DRH…
« À 25 ans, je ne soupçonnais absolument pas la diversité des possibilités pour les agents de direction (ADD). »
Justement, est-ce cette diversité des métiers et des fonctions qui vous a séduite lorsque vous avez intégré la Sécurité sociale ?
Tout à fait, quand j’ai découvert le fonctionnement de l’Institution à 25 ans, je ne soupçonnais absolument pas la diversité des possibilités pour les agents de direction (ADD). Il y a tellement de métiers différents, il y en a pour tous les profils et toutes les appétences, c’est une vraie chance, et c’est aussi cela qui fait tout l’intérêt de l’EN3S. Je connais peu d’environnements où l’on peut passer d’un management de production, par exemple, à des fonctions RH, avec un vrai accompagnement.
En ce qui me concerne, après 10 ans à l’Urssaf Ile-de-France, j’ai eu l’opportunité de devenir directrice adjointe d’un organisme de la branche maladie, la Cpam du Val-de-Marne. La personne qui m’a recrutée m’a accordé une confiance énorme : je n'avais jamais mis un pied dans une Cpam, à part pour mon stage de découverte à l’EN3S ! Bien sûr, j’ai tout de suite retrouvé des points communs au niveau des objectifs et des valeurs, mais cette expérience m’a aussi permis de découvrir un nouveau domaine, une autre façon de diriger, à une échelle départementale.
J’ai ensuite eu l’opportunité d’aller en caisse nationale, à l’Urssaf, comme directrice de la gestion du Réseau et des moyens, puis sur mon poste actuel de directrice déléguée, que j’occupe depuis presque trois ans. J’avais envie de faire l’expérience d’un poste en caisse nationale, car on a un positionnement différent, notre travail est beaucoup composé de relations avec les ministères de tutelle, les corps de contrôle…
« J’ai annoncé en même temps au DG et au DG adjoint mon envie de postuler et… ma grossesse ! »
En tant que femme, avez-vous le sentiment d’avoir eu à dépasser des freins, à briser un « plafond de verre » ?
J’ai une anecdote à ce propos qui illustre bien mon vécu au sein de la Sécurité sociale. Quand j’ai postulé pour être DRH à l’Urssaf IDF, j’ai annoncé en même temps au DG et au DG adjoint mon envie de postuler et… ma grossesse ! Mais ils m’ont fait confiance, et j’ai obtenu le poste, puis je suis partie en congé maternité.
À mon avis, peu d’institutions permettent cela. Je ne dis pas que ma situation fait figure de généralité, mais en tous cas il y a des dirigeants qui savent agir réellement pour l’égalité professionnelle. Je ne dis pas non plus que cela a toujours été facile. Je suis mère de deux enfants : maintenant, ils sont grands, mais les naissances entre deux postes, c’est un défi.
Dans notre société, pour les parents, pour les femmes, et aussi pour les hommes désormais, il est difficile de concilier vie personnelle et professionnelle. En ce qui nous concerne, notre Institution prend en compte ces questions, et je veux le dire aux femmes qui hésitent : osez, ce n’est pas facile de concilier tous les domaines de sa vie, mais on y arrive, et on n’est pas obligé de tout concéder. A mon sens, c’est un faisceau de facteurs qui aident à construire une carrière : le fait d’être soutenue par ses proches, sa structure familiale, et d’avoir un employeur qui sait prendre en compte les contraintes parentales.
« Sous l’impulsion de Yann-Gaël Amghar, notre directeur, l’Urssaf a fait de l’égalité femmes-hommes une priorité nationale. »
D’ailleurs, l’Urssaf Caisse nationale a développé un programme « Bouge ton groupe » pour promouvoir l’égalité professionnelle ?
Oui, nous en sommes très fiers. Il s’agit d’une initiative que nous portons avec Romain Thévenon, le Directeur des Ressources humaines. Sous l’impulsion de Yann-Gaël Amghar, notre directeur, l’Urssaf a fait de l’égalité femmes-hommes une priorité nationale. Au-delà des enjeux connus de l’ensemble des dimensions de cette égalité – accès aux responsabilités, rémunérations, lutte contre les stéréotypes genrés, etc. - nous avons en plus un contexte particulier au sein de la caisse nationale, lié au fait que 2/3 des effectifs travaillent à la Direction des systèmes d’information, et que nous avons peu de femmes informaticiennes.
Nous avons ainsi un enjeu de mixité des métiers, et aussi une conviction portée par notre DG que nous devons agir pour l’accession des femmes aux postes à responsabilités. C’est ainsi que nous avons conclu un partenariat avec le réseau d’affaires féminin « Bouge ta boîte ». Le programme a deux volets : l’un pour nos cotisantes, afin de favoriser l’entreprenariat, et l’autre « bouge ton groupe » en interne, pour nos collaboratrices.
En interne, depuis le début de l’opération en septembre 2022 : nous avons eu des temps de sensibilisation pour le top management, pour faire se questionner et informer les décideurs de notre structure. Ensuite, une enquête a été lancée auprès de l’ensemble des femmes de l’organisme, puis nous avons lancé un appel au volontariat pour participer à une session de formation de quatre mois.
Tout cela est ancré dans un plan d’actions plus large sur l’égalité professionnelle, avec des accords, et notamment une campagne de sensibilisation sur tous nos sites sur le sexisme ordinaire, via un casque de réalité virtuelle.
« C’est fondamental d’avoir un intérêt pour son travail, mais il faut aussi trouver la juste mesure et apprendre à poser ses limites »
Quels conseils donneriez-vous à des jeunes femmes, voire à des jeunes hommes, qui hésitent à passer le concours de l’EN3S ou à postuler sur un poste de direction ?
Je leur en donnerais deux : ne pas être trop pressé et aussi savoir poser ses limites. On ne peut pas prévoir à 100 % son parcours, mais c’est important de réfléchir à ce qui est important pour nous, à ce que l’on veut et ce que l’on ne veut pas en matière de missions, de mobilité, de domaines d’activités… L’idée n’est pas de postuler tous azimuts sans boussole : c’est important d’être au clair sur ses appétences, mais aussi sur le champ des possibles ; cela permet d’envisager les choses plus sereinement, et de saisir une opportunité quand elle arrive, de postuler au bon poste.
À la Sécurité sociale, nous avons la chance, quand nous intégrons un organisme, d’être très entourés et mentorés par des dirigeants qui prennent le temps d’accompagner les plus jeunes ; c’est important de prendre conseil auprès d’eux. Je me suis inspirée de chaque personne avec laquelle j’ai travaillé. En 18 ans, j’ai travaillé avec quatre DG très différents, et j’ai appris et j’apprends toujours avec chacun d’eux.
C’est fondamental d’avoir un intérêt pour son travail, mais il faut aussi trouver la juste mesure et apprendre à poser ses limites : Je travaille beaucoup, je suis très investie. Mais j’ai eu la chance, lorsque j’ai pris mon premier poste d’agent de direction, d’avoir un « garde-fou » de 90 cm, mon premier enfant qui a bien grandi depuis (rires). Cela oblige à concilier ses priorités, et surtout à trouver l’équilibre avec lequel on se sent bien. Finalement, c’est cela qui permet d’être d’autant plus performant, sans risque d’épuisement ou de perte de motivation.
Aussi, pour les futurs dirigeants, je crois que la notion d’exemplarité est fondamentale. C’est important de s’appliquer à soi-même ce que l’on promeut et met en œuvre : je ne peux pas être crédible, si je ne suis pas la première concernée par les politiques et orientations que je porte auprès de mes collègues et collaborateurs.
Avez-vous des regrets par rapport à certains de vos choix professionnels ?
Non, je ne ferais pas les choses différemment, car j’ai la chance d’avoir un parcours professionnel qui m’a permis de m’épanouir et de trouver de l’intérêt, de l’envie, et une vraie motivation au travail.
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