« Ayons le courage d’être nous-même »
Forte d’une vision du leadership à la fois exigeante et prospective, Elodie Marchat, Directrice de l’Institut 4.10, évoque son parcours du local au national.
Après plus de 20 ans au sein de plusieurs organismes franciliens de la branche famille de la Sécurité sociale et ensuite près de 5 ans en détachement au Conseil départemental des Hauts-de-Seine, comme Directrice générale adjointe en charge des Solidarités, vous êtes désormais directrice de l’Institut 4.10, l’un des deux organismes de formation de la Sécurité sociale. Qu’est-ce qui a guidé vos choix de carrière ?
Étudiante, ce sont les questions sociales mais aussi de stratégie et de performance, qui m’ont très vite attirée et qui m’ont ainsi donné l’envie d’intégrer la Sécurité sociale. J’avais été admise à plusieurs concours, dont celui des hôpitaux, mais mon choix professionnel s’est naturellement porté sur l’École Nationale Supérieure de Sécurité sociale (EN3S) ; puis la branche Famille pour sa dimension partenariale et son ancrage local notamment.
J’ai fait preuve de mobilité professionnelle et géographique au sein d’une même région, l’Ile-de-France, ce qui n’est jamais facile en tant que femme : j’ai connu ainsi cinq départements, sur des postes et des environnements politiques, économiques et sociaux très différents. Je suis devenue Agent de Direction assez rapidement, à 27 ans ; et j’ai eu par la suite l’opportunité d’être nommée directrice de la caisse d’allocations familiales des Yvelines par monsieur Hervé Drouet.
Depuis un an, je suis à la tête de l’Institut 4.10 après un détachement en tant que directrice générale adjointe des solidarités au conseil départemental des Hauts-de-Seine comme vous l’avez rappelé.
Mes choix dans ma carrière professionnelle ont été principalement guidés par la gestion de défis complexes s’articulant autour du collectif de travail mais aussi par des projets politiques ambitieux, porteurs de sujets partenariaux, eux-mêmes ancrés dans les problématiques de terrain. Les questions sociales - et sociétales - impliquant une articulation entre les dimensions locales et nationales, m’ont également beaucoup attirée.
« Notre environnement est de plus en plus concurrentiel »
Qu’est-ce qui vous a donné envie de diriger l’Institut 4.10 ?
Je souhaitais passer à une dimension nationale avec un niveau stratégique et une approche interbranche.
A ce titre, l’Institut 4.10 est un organisme national de formation des personnels de la Sécurité sociale, créé par la loi du 5 mars 2014. Il est reparti sur 13 sites en région.
Ce qui m’intéresse particulièrement sur ce poste, c’est le service aux clients et les questions qui en découlent en toute logique : comment pouvons-nous mieux servir les organismes ? Comment reconquérir les clients qui ont pu parfois perdre confiance en notre service ? Mais aussi comment consolider nos partenariats historiques ? Ou encore comment investir de nouvelles coopérations, avec par exemple la CNSA ou des collectivités locales ?
En tant qu’ancienne directrice d’organisme, je m’inspire directement de mon expérience de terrain : la formation professionnelle doit être adaptée au quotidien de l’agent, selon les personnes et les profils, ce ne sont pas les mêmes contraintes qui vont se poser. Bien évidemment, nous devons avoir la capacité de nous adapter à la complexité des évolutions sociétales ainsi qu’aux enjeux qui en découlent naturellement, et je pense ici en particulier aux nouveaux modes de travail.
Il nous faut être dans ce mouvement et pouvoir anticiper les besoins de nos équipes. Je souhaite faire progresser en ce sens les compétences de nos collaborateurs, afin de gagner en adaptabilité, de permettre aux nouveaux embauchés d’être rapidement opérationnels et donc d’être en adéquation avec les besoins du terrain.
Mon souhait et ma volonté sans faille sont de pouvoir être utile, par mon expérience et mon vécu professionnel aux organismes nationaux et locaux qui, au quotidien, œuvrent pour le service public.
Notre environnement est de plus en plus concurrentiel, c’est là un défi qui se pose désormais aujourd’hui à notre institution Sécurité sociale et qu’il nous faut collectivement relever. Je me suis engagée pleinement dans cette voie.
« J’aime travailler sur des projets de transformation »
De quoi êtes-vous la plus fière dans votre parcours ?
C’est une question difficile mais je pense que j’ai toujours su sortir de ce que l’on appelle traditionnellement : « sa zone de confort ». Je fais partie des directeurs qui ont du mal à rester dans une activité classique et j’aime travailler sur des projets de transformation. J’ai exercé dans des environnements professionnels souvent complexes et difficiles ; et je crois en ce sens au courage managérial - et parfois en l’audace - en particulier dans ces situations.
Cela signifie à mon sens être capable de mener des réformes complexes.
Les organisations doivent s’adapter et se caler sur les transformations sociétales, il faut avoir le courage de réinterroger nos outils, nos pratiques, nos processus et parfois nos certitudes.
Pour répondre ainsi plus directement à votre question, je suis par exemple heureuse d’avoir été précurseur en signant un accord très souple sur le télétravail début 2015 à la Caisse d’allocations familiales des Yvelines, certains ont été à ce moment dubitatifs. Depuis, les faits d’un nouveau contexte professionnel et d’une société en crise nous ont donné raison.
Pour citer un exemple au Conseil départemental des Hauts-de-Seine, nous avons mené, sous la responsabilité de l’exécutif, un projet structurant de transformation du Pôle solidarités, couvrant le secteur de la petite enfance au grand âge, et ce dans une logique matricielle afin de décloisonner les secteurs et de proposer des parcours usagers correspondant à différents profils. Tous les métiers ont été concernés : les collaborateurs ont été accompagnés d’une façon collective mais aussi personnalisée afin de leur permettre de monter en compétence sur les secteurs d’intervention qu’ils ne connaissaient pas à la fois en termes de réglementation, d’outil du système d’information, de processus et de prise en charge client.
Qu’est-ce qui vous a le plus aidé pour concrétiser votre projet professionnel ?
La volonté constante d’avancer… l’envie et le courage de porter des réformes concrètes m’ont donné la fierté de piloter avec loyauté des organismes dans des contextes politiques et sociaux, comme je vous l’ai dit, parfois difficiles. Pour cela, il faut s’investir dans son poste et y demeurer le temps nécessaire. Ainsi je considère que pour instaurer un projet dont on peut évaluer les résultats, cela nécessite au moins quatre ans d’exercice professionnel. Dans certaines situations, des projets aboutissent en effet à longue échéances. Capitaliser et transférer ses compétences vers d’autres organismes nécessitent alors de disposer d’un temps convenable.
Sans oublier… mon appétence pour la relation directe avec les équipes : managers, collaborateurs de terrain mais aussi partenaires sociaux et instances de gouvernance.
« La remise en question de soi m’apparaît comme une force et non une faiblesse »
Quel message trouveriez-vous important de partager avec les femmes, voire avec n’importe quel dirigeant ou futur dirigeant, qui réfléchissent à leur carrière ?
Je leur dirais simplement qu’il faut toujours se donner tous les moyens de ses ambitions professionnelles. L’important est de ne pas se dévaloriser mais bien de se faire confiance, de croire en soi et en sa capacité de travail.
S’il ne s’agit pas de faire ici du néo-féminisme bien évidemment et de tout caricaturer, nous pouvons tout de même, sans être particulièrement excessif dans la pensée, constater que les femmes sont encore peu présentes dans les instances de gouvernance de notre tissu économique et social aux fonctions de hautes responsabilités, et ce d’ailleurs malgré la volonté affichée du législateur ces dernières années. Et s’il est vrai que les femmes sont mieux représentées aux postes de direction dans le secteur public, il demeure encore des progrès sensibles à faire pour atteindre une égalité naturelle.
Dans les fonctions de direction, il est essentiel de pouvoir partager des réflexions avec ses pairs, de cultiver un réseau même en dehors de la Sécurité Sociale afin d’élargir ses réflexions, de participer à des rencontres avec d’autres dirigeants d’entreprises publiques ou privées, et de ne pas hésiter à innover.
Personnellement, le fait d’avoir expérimenté un autre environnement comme celui du Conseil Départemental des Hauts-de-Seine m’a beaucoup appris et a renforcé mon expérience en matière de changement des organisations et de performance publique. Il a fallu faire preuve d’agilité et de curiosité dans un écosystème que je maitrisais moins et dont les enjeux sont plus politiques.
Être un dirigeant plus que jamais aujourd’hui demande un fort investissement personnel : la remise en question de soi par exemple m’apparaît ainsi comme une force et non une faiblesse. C’est avec cet état d’esprit que l’on progresse et que l’on contribue à la progression de ses collaborateurs.
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