Anne Bastien : « Le pouvoir d’agir, c’est ce qui me fait vibrer »
En 25 ans de carrière à la Sécurité sociale, Anne Bastien a monté les échelons en interne pour devenir Directrice de la Caf de l’Orne, puis de celle du Morbihan. Pour #Leaddersauféminin, cette bretonne d’adoption se confie sur sa carrière, menée à force de volonté et de résilience, avec en toile de fond un attachement profond à l’action locale.
Comment avez-vous intégré la Sécurité sociale ?
J’ai rencontré le monde de la Sécu un peu par hasard. Après des études d’Histoire et de Relations internationales à Lille et Paris, je voulais devenir journaliste ou travailler dans les relations publiques. C’est en cherchant dans ce domaine, que j’ai trouvé un poste de chargée de communication à la Cpam de Valenciennes.
Une fois dans l’Institution, j’ai compris assez vite que pour grimper dans la hiérarchie, il était intéressant de tenter le concours de l’École Nationale Supérieure de Sécurité sociale (EN3S). J’ai donc passé le concours en interne après quatre ans d’ancienneté, et je l’ai réussi ! Après l’école en 2005, je suis arrivée en Bretagne à Rennes. Cela s’est également fait par le fruit du hasard : je voulais aller en Guyane, me disant que c’était une occasion rare, mais ce vœu n’a pas été jugé opportun à l’époque.
Ensuite, j’ai atteint mon premier poste d’agent de direction (ADD) au bout de deux ans. Et depuis six ans, je suis directrice d’organisme. J’ai dirigé la Caf de l’Orne pendant quatre ans, puis j’ai pris la direction de la Caf du Morbihan, il y a presque deux ans.
Qu'est-ce qui vous a donné envie de devenir dirigeante ?
Je crois que j’ai eu le goût du challenge. Je l’ai un peu vécu comme un défi sportif, avec des étapes et la marche la plus haute en ligne de mire : celle de devenir directrice. En revanche, je ne suis pas particulièrement habitée par le fait de diriger une « grosse caisse », ce qui me fait vibrer, c’est plutôt le pouvoir d’agir, à un niveau local, notamment.
« Je suis ancrée dans un territoire, où je participe à l’écosystème local. »
« Ce pouvoir d’agir local », c’est ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
En effet, cela peut sembler surprenant, car en tant que directrice ou directeur, nous avons beaucoup de contraintes et nous mettons en œuvre des politiques publiques sur lesquelles nous avons peu de pouvoir décisionnel localement. Pour autant, nous avons encore beaucoup de pouvoir d’agir au quotidien auprès des équipes. Cela a été très manifeste durant la période du Covid, pour créer de nouveaux modes de travail, par exemple.
Tous les jours, je prends des décisions : ce n’est pas la révolution, mais c’est très stimulant de contribuer à l’élaboration de projets structurants et innovants. En tant que représentante de la branche Famille, je suis ancrée dans un territoire, où je participe à l’écosystème local : dans la même journée, je traite de sujets très différents, c’est ce qui fait la richesse de notre fonction. Je rencontre des associations, des maires, des professionnels RH, des syndicats, des entreprises, j’assiste à des forums…
J’aime participer au développement des territoires, via des expérimentations avec notre réseau notamment. Il y a un bien entendu un équilibre à trouver : avec l’accélération du temps et du nombre de projets, il faut aussi savoir les rythmer dans une cadence supportable par tous.
« Je crois que l’un des freins reste la question de la mobilité professionnelle et de la conciliation entre la vie familiale et professionnelle. »
Qu’est-ce que #Leaddersauféminin vous inspire ?
J’ai toujours considéré qu’il fallait faire la démonstration de sa capacité à faire, qu’on soit un homme ou une femme. Pour autant, c’est vrai que dans notre Institution, qui est majoritairement féminine et où l’équilibre est à peu près respecté sur les postes de cadre, c’est une bonne chose de montrer que jusqu’au plus haut niveau, une femme est capable de belles réussites.
Je crois que l’un des freins reste la question de la mobilité professionnelle et de la conciliation entre la vie familiale et professionnelle. Une jeune mère, par exemple, peut hésiter à postuler à 200 km de chez elle... Personnellement, en accord avec mon entourage j’ai fait le choix d’un « nomadisme professionnel », en étant en double résidence depuis huit ans, et cela représente une certaine charge mentale ! Rien n’est impossible, j’ai le souvenir d’une collègue à l’EN3S, qui passait le concours et avait embarqué ses trois enfants à Saint-Etienne… mais c’est certainement plus difficile, et pour atteindre l’égalité, il faut que les conjoints soient en capacité de prendre part à la vie du foyer.
« C’est bien d’avoir des expériences diverses, mais il ne faut pas penser que ce qui a marché dans un endroit va forcément fonctionner ailleurs. »
Vous avez été membre du jury de l’EN3S. Quel message trouveriez-vous important de partager avec les femmes, voire avec n’importe quel dirigeant ou futur dirigeant, qui réfléchissent à leur carrière ?
La nécessité d’apprendre à s’adapter. Au début de ma carrière, j’avais un peu tendance à défendre des convictions, mais quand on dirige, il faut apprendre à composer avec les éléments extérieurs et internes, savoir se remettre en cause régulièrement, se demander si l’on est sur le bon chemin.
Aussi, si c’est très bien d’avoir des expériences diverses, il ne faut pas penser que ce qui a marché dans un endroit va forcément fonctionner ailleurs, il faut composer en fonction des données et des individus : on gère une communauté humaine, notre challenge c’est d’entretenir cette communauté dans l’idée de maintenir une performance et une motivation pour réaliser nos missions.
De quoi êtes-vous la plus fière dans votre parcours ?
Je n’ai pas eu une carrière uniquement marquée par les réussites, j’ai connu des périodes plus difficiles. Ce dont je suis le plus fière, c’est de ne pas avoir baissé les bras, d’avoir trouvé des solutions, d’avoir toujours su avancer, d’avoir su réajuster la balance afin que mon engagement professionnel soit à la hauteur de mes attentes et de mon équilibre personnel. J’ai aussi pu compter pour cela sur le soutien précieux de quelques mentors. On apprend aussi beaucoup de ses échecs.
Pour lire d'autres témoignages de directrices
Rendez-vous sur la rubrique #Leaddersauféminin