« À la Sécu, on peut évoluer sans tout sacrifier »
En 20 ans de carrière à la Sécurité sociale, Olivia Grangerodet a toujours cultivé le goût du collectif et de l’authenticité au travail. Directrice de l’Urssaf Auvergne depuis 2016, elle revient sur son expérience en tant que femme au sein de l’Institution, mais aussi sur son parcours, pas si classique malgré les apparences…
Originaire de Saint-Étienne, vous avez intégré l’Ecole nationale supérieure de Sécurité sociale (EN3S) après vos études, puis vous avez mené votre carrière au sein de l’Urssaf. Un parcours plutôt classique pour une dirigeante d’organisme ?
On pourrait le croire, et pourtant rien ne me prédestinait à travailler à la Sécurité sociale ! Je suis issue d’une famille d’artisans et de commerçants, qui ont été poujadistes à certaines heures, sans grande affection ou culture du service public. J’ai grandi à Saint-Etienne, mais j’ignorais totalement l’existence du CNESSS (ndlr : l’ancien nom de l’EN3S). Finalement, la Sécu et moi, c’est une rencontre assez fortuite : après des études en IEP et une maîtrise de sciences économiques, j’ai connu l’école via une affiche dans mon université à Lyon. J’ai tout de suite été attirée à la fois par les valeurs de cette belle institution, mais aussi la richesse des fonctions de gestionnaire. En 20 ans, je n’ai jamais regretté mon choix. La Sécu m’a permis d’accéder à des fonctions de responsabilité dans un cadre de valeurs alignées avec mes convictions personnelles, sans dimension excessivement concurrentielle.
Vous avez mené toute votre carrière au sein de la branche recouvrement, qu’est-ce qui a guidé ce choix ?
Au départ, c’était vraiment un choix lié à la spécificité de mon profil : l’environnement et les partenaires étaient en phase avec ma formation et mon intérêt pour le monde économique. Il faut aussi prendre en compte le jeu des opportunités et des contraintes personnelles et familiales. Il y a eu une période dans ma vie où j’ai élevé seule ma fille aînée, et cela limitait le champ des possibles au niveau professionnel. Surtout, j’ai trouvé à l’Urssaf des opportunités et des personnes qui m’ont fait confiance, comme mon premier directeur, l’un de mes mentors, avec qui j’ai travaillé 10 ans. Il y a également eu des restructurations à l’Urssaf, au niveau départemental puis régional, qui m’ont offert à la fois de riches expériences professionnelles et des perspectives d’évolution.
« Ce qui est intéressant dans le projet #Leaddersauféminin, c’est de proposer des modèles de femmes dirigeantes divers et non stéréotypés. »
Qu’est-ce que #Leaddersauféminin vous inspire ?
J’ai le sentiment d’avoir eu beaucoup de chances d’intégrer l’Institution, car elle permet aux femmes d’évoluer professionnellement, sans être dans un exercice sacrificiel. Elle le permet aujourd’hui, mais cela n’a pas toujours été le cas. Quand je suis arrivée dans l’Institution, il y avait assez peu de femmes dirigeantes, et les rares modèles que nous avions étaient des personnalités très fortes de femmes qui pouvaient donner l’image d’avoir sacrifié au moins une partie de leur vie, voire de leur féminité, pour pouvoir accéder à ces fonctions et faire leur place au sein d’une hiérarchie très masculine à l’époque. Les choses ont cependant beaucoup évolué. En ce qui me concerne, je me suis toujours sentie soutenue. J’ai eu des périodes de ma vie plus compliquées, comme on en a tous, et j’ai trouvé dans ces moments une écoute attentive et un soutien, notamment chez les Directeurs avec lesquels j’ai travaillé, qui m’ont fait confiance et m’ont fait grandir.
Ce qui est intéressant dans le projet #Leaddersauféminin, c’est de proposer des modèles de femmes dirigeantes divers et non stéréotypés. A mon avis, ce qui peut freiner des collègues dans leurs ambitions, c’est de ne pas se sentir légitime, et c’est aussi en ayant des modèles de femmes dirigeantes avec leurs atouts, leurs personnalités et leurs fragilités, qu’on peut oser sauter le pas.
C’est aussi essentiel d’avoir un environnement et des proches qui sont prêts à soutenir ce choix. En ce qui me concerne, devenir Directrice, c’est un pari que j’ai fait avec mon conjoint : ma plus jeune fille avait deux ans quand j’ai commencé, il fallait être prêt à se lancer ensemble dans l’aventure !
« Devenir Directrice, c’est la rencontre entre une envie pro et un projet personnel. »
Avez-vous rencontré au cours de votre carrière des problèmes de légitimité et de confiance ?
C’est en effet l’un des sujets sur lesquels je pense avoir beaucoup évolué. J’ai intégré l’Institution à 24 ans, j’avais toutes mes preuves à faire et j’étais très exigeante avec moi-même. Puis, à un certain moment, j’ai ressenti le besoin et l’envie de dépasser ce cap. Je crois qu’il faut accepter l’idée qu’on ne cesse jamais d’apprendre et qu’on est toujours en évolution. C’est à mon avis le gage d’un bon dirigeant.
Qu’est ce qui vous a donné envie de devenir Directrice ?
En fait, je n’ai jamais eu de plan de carrière précis. Je me suis énormément investie dans mes fonctions d’Agent de direction et d’adjointe. Devenir Directrice n’était pas une aspiration irrépressible. Cela m’est plutôt apparu comme l’opportunité d’évoluer, car j’avais fait le tour de mes fonctions. C’était aussi la rencontre entre une envie pro et aussi un projet personnel : l’Auvergne est un endroit où mes proches avaient envie de me suivre, et cela correspondait à notre projet de vie. Finalement, cela m’a permis de rencontrer ce bel organisme !
« C’est une chance extraordinaire de ne pas devoir trahir ou négocier avec ses valeurs »
Comment définiriez-vous votre vision du leadership ?
Je me souviens d’un Directeur qui m’avait un jour confié : « vous verrez : quand vous êtes Directeur, vous êtes seul, et il n’y a personne derrière ». Mon expérience a été bien différente. Personnellement, je ne pense pas que diriger soit un exercice si solitaire. L’image qui me vient à l’esprit quand je pense à mon rôle de Directrice, c’est celui d’un chef d’orchestre. Un chef d’orchestre ne sait pas forcément jouer des instruments, mais il a un rôle central : il réunit les compétences au service d’une partition, il doit anticiper et fédérer les talents. On ne devient pas dirigeant car on sait mieux que les autres. Diriger, c’est plutôt se mettre au service du collectif.
Notre Urssaf compte 450 agents, elle est à taille humaine et représente aussi un intérêt particulier, car au-delà des missions traditionnelles de l’Urssaf, elle gère des missions nationales à enjeu et notamment le service Pajemploi qui occupe près de 200 collaborateurs en Haute-Loire.
Le fait de diriger un organisme de taille moyenne permet une certaine souplesse, peut-être plus d’agilité, et des contacts directs avec l’ensemble des collaborateurs. Parmi mes premières démarches, j’ai notamment initié des rencontres annuelles avec l’ensemble des collaborateurs pour partager la vision stratégique.
Ce qui me plait le plus dans mon poste, c’est de pouvoir impulser un fonctionnement et des modes de communication en phase avec mes valeurs personnelles. C’est une chance extraordinaire de ne pas devoir trahir ou négocier avec ses valeurs et de trouver cette forme d’alignement entre ce qu’on est et ce qu’on fait.
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