Replacer le numérique responsable dans une stratégie globale

 Richard Hanna - Chargé de mission numérique écoresponsable à la Direction interministérielle du numérique (DINUM)

Quels sont les objectifs de la mission interministérielle numérique écoresponsable (MiNumEco) et quel est votre rôle ?  

Cette mission, copilotée par le ministère de la Transition écologique et la DINUM, s’inscrit dans les objectifs de la Circulaire du Premier Ministre du 25 février 2020 demandant à ce que l’État s’engage pour des Services publics écoresponsables notamment concernant le numérique : « l’État développe une stratégie de réduction de l’empreinte carbone du numérique public, qui comprendra notamment une démarche de sensibilisation des agents aux écogestes numériques et l’achat de matériel ou de consommable reconditionné ».

À travers la mission interministérielle numérique écoresponsable, nous accompagnons les ministères dans la mise en œuvre d’une stratégie de réduction de leur empreinte environnementale du numérique et nous documentons la démarche à travers guides, référentiels, vidéos et modules de sensibilisation ou de formation.

 

De quoi parle-t-on lorsque l’on évoque l’impact du numérique sur l’environnement ?

Le numérique représente aujourd’hui de 2 à 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. De plus, il est loin d’être dématérialisé. En effet, la fabrication des équipements numériques est très consommatrice de ressources (métaux, eau, etc.) avec les problèmes environnementaux et sociaux que cela génère.

« Nous avons publié un guide de bonnes pratiques numérique responsable »

Pouvez-vous partager quelques bonnes pratiques numériques à mettre en œuvre à l’échelle d’une organisation ? 

Parmi les bonnes pratiques, il y en a des plus impactantes que d’autres, notamment celles qui visent à limiter les externalités négatives importantes liées à la phase de fabrication, qui concentre la majorité des impacts en tenant en compte plusieurs indicateurs environnementaux.

Les bonnes pratiques prioritaires issues du guide de bonnes pratiques numérique responsable pour les organisations que nous avons publié, peuvent être :

  1. réduire le nombre d’équipements ;
  2. réemployer en remettant en état, donnant ou vendant les équipements ;
  3. acheter durable et réparable ;
  4. privilégier les équipements issus du réemploi ou contenant des matériaux recyclés ;
  5. concevoir des services numériques compatibles avec les équipements les plus anciens possibles.

Il y a un préalable à la mise en œuvre de ces bonnes pratiques qui nécessitent une bonne compréhension des enjeux liés à l’empreinte environnementale du numérique de la part de toutes les parties prenantes. Enfin, il faut replacer la démarche de numérique responsable dans une stratégie globale de réduction des impacts environnementaux et sociaux négatifs des activités de l’organisation.

« La phase d’extraction et de fabrication des équipements numériques représente jusqu’à 80 % des impacts »

Allonger la durée de vie du matériel semble être le principal levier d’action, pouvez-vous nous en en dire plus ?  

Pour un usage en France, la phase d’extraction et de fabrication des équipements numériques représente jusqu’à 80 % des impacts en tenant compte de différents indicateurs environnementaux. L’extraction et la fabrication d’un ordinateur de 2 kilos nécessite par exemple 800 kilos de matières premières et 1,5 tonne d’eau, sans oublier l’énergie dite « grise » nécessaire à ces étapes. Ces impacts cachés sont réunis sous le concept de « sac à dos écologique ». Au-delà des impacts environnementaux, les phases d’extraction minière, de fabrication et de traitement des déchets électroniques ont des impacts sociaux non négligeables, notamment le travail des enfants dans les mines ou les décharges sauvages dans les pays du Sud. Donc allonger le plus possible la durée de vie des équipements et réduire leur nombre sont des enjeux essentiels pour limiter les impacts liés à leur fabrication. Pour cela, plusieurs actions sont possibles : le réemploi par l’achat reconditionné en entrée d’organisation et par le don ou la vente à prix solidaire en sortie d’organisation, allonger la durée d’usage en interne par le réemploi ou bien par l’allongement de la durée d’amortissement comptable. Un autre levier est d’éco-concevoir les services numériques afin de les rendre pérennes et utilisables sur les équipements les plus anciens possibles.

« À l’échelle de l’État, nous avons demandé à chaque ministère de dédier une personne pour piloter et suivre la démarche »

Pour conclure, quel conseil donneriez-vous en priorité à un chef de projet qui souhaiterait impulser une démarche numérique responsable ? 

Il est difficile de donner un conseil qui marche à tous les coups. Voilà ce qu’on a réalisé à l’échelle de l’État. Nous avons demandé à chaque ministère de dédier une personne pour piloter et suivre la démarche. Il est important que cette personne soit bien placée dans l’organigramme, qu’elle ait une vue transverse de l’organisation et surtout qu’elle ait du pouvoir en lien avec la direction, afin d’impulser les changements. Nous avons ensuite réalisé un audit de maturité sur la base de 200 questions. Rétrospectivement, c’était sans doute un peu trop. Il est possible de se baser sur nos publications, sur le guide de bonnes pratiques s’il s’agit d’une démarche sur l’organisation, ou sur le référentiel général d’éco-conception de services numériques (RGESN) afin de réaliser cet audit. Une étape, optionnelle, pourrait être de prendre une photo à un instant T, d’évaluer l’empreinte du numérique de l’organisation : parc informatique et services numériques. Cette étape peut être longue, complexe et couteuse à réaliser. C’est pour cela qu’il faut la voir comme optionnelle, car de nombreuses actions d’améliorations sont possibles sans forcément avoir fait cette évaluation initiale. Une priorité est également de monter en compétence sur le sujet, connaitre les ordres de grandeur et les priorités. Ensuite, l’étape la plus importante est, en concertation avec toutes les équipes, tous les métiers et toutes les parties prenantes, d’établir, de piloter et de suivre une stratégie, une feuille de route mais surtout un plan d’actions sur l’année ou sur plusieurs années. Enfin, il est nécessaire d’avoir une vision commune et partagée, des référents pour chaque action et des objectifs chiffrés.

Partager cet article Linkedin Twitter Facebook Mail
Haut de page