La transition écologique au sein de l'Assurance maladie

Claire Traon, Directrice Transition écologique et santé environnementale de l’Assurance maladie et

Amandine Lacroze, Directrice de mission Transition écologique 

Partager cet article Linkedin Twitter Facebook Mail

Face à l’urgence climatique, l’Assurance maladie se structure en tant qu’entreprise d'un service public de plus de 82 000 collaborateurs, 160 organismes et acteur du système de santé pour jouer pleinement son rôle dans la transition écologique.

Rencontre avec Amandine Lacroze, Directrice de mission Transition écologique et Claire Traon, Directrice Transition écologique et santé environnementale de l’Assurance maladie, qui présentent les deux missions spécifiques qui viennent d’être créées autour de la transition écologique et la santé environnementale à la Caisse nationale d’Assurance maladie. 

Vous exercez depuis la fin d’année 2023 de nouvelles responsabilités en lien avec la transition écologique, pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a conduit à ces nouvelles fonctions ? 

Claire : Une sensibilité aux enjeux et conséquences du dérèglement climatique, des convictions personnelles m’ont amenée depuis plusieurs années à questionner et faire évoluer certaines habitudes de vie. Puis j’ai pris conscience du fait que le secteur de la santé pouvait (et devait !) jouer un rôle essentiel dans la transition écologique de la société, que les enjeux écologiques sont des enjeux de santé, et que j’avais donc l’opportunité en tant que salariée de l’Assurance maladie d’être aussi active dans le cadre de mon activité professionnelle. Dans le cadre de mes précédentes fonctions au sein du département des professions de santé, nous avons ainsi décidé d’aborder systématiquement ces enjeux écologiques avec les représentants des différentes professions de santé dans le cadre conventionnel. Ensuite, étant bien identifiée comme active et convaincue sur ces sujets, lorsque les travaux liés à l’intégration dans la Cog d’un axe relatif à la transition écologique du système de santé se sont lancés, j’ai eu la chance d’être nommée référente sur la rédaction de ce volet en binôme avec Carole Grard, directrice de la Cpam de Lille-Douai. Les travaux avec le ministère dans le cadre de la planification écologique du système de santé (PESS) ont démarré, et la représentation de la Cnam m’a été confiée. L’opportunité de prendre la direction de la mission au sein de la DDGOS a donc découlée assez naturellement. 

Je suis convaincue que l’action de l’Assurance maladie peut avoir un impact décisif pour limiter les effets de l’environnement sur la santé et pour limiter la contribution du système de santé à la dégradation de cet environnement. C’est extrêmement stimulant de voir l’ensemble de l’Institution se mobiliser sur ces nouveaux engagements. 

Amandine : Ce qui m’a conduit à cette nouvelle mission ce sont surtout les travaux menés dans le cadre de l’élaboration de la Cog. J’étais précédemment conseillère du directeur général de l’Assurance maladie et c’est à ce titre que j’y ai notamment contribué. La question de la transition écologique est très vite apparue comme un enjeu incontournable, c’est un « fil vert » de nos orientations stratégiques pour les années à venir. Le directeur général a souhaité créer ces deux nouvelles missions, j’ai donc saisi cette opportunité ! Je suis fondamentalement convaincue du rôle que notre Institution peut jouer dans la contribution au net zéro planétaire et au co-bénéfice fondamental existant entre santé et environnement.

Au-delà de l’accélération de sa prise en compte des enjeux écologiques au sein de l’Assurance maladie, c’est un sujet qui me tient personnellement particulièrement à cœur. J’ai fait partie des membres fondateurs du premier collectif de salariés de l’Assurance maladie, l’Ecolab, créé dès 2019 par Catherine Margnes (actuellement DCF des Cpam de Pau et Bayonne) très investie sur le sujet. Je suis fondamentalement convaincue du rôle que notre Institution peut jouer dans la contribution au net zéro planétaire et au co-bénéfice fondamental existant entre santé et environnement. Je me forme également à Sciences Po Paris en suivant un executive master sur la transition écologique et la transformation des organisations qui m’a permis d’appréhender de manière plus large les nouvelles ambitions et défis que nous devons relever. 

« La transition écologique est une démarche éminemment transversale qui doit s’opérer à tous les niveaux et à travers l’ensemble des actions de l’Assurance maladie »

Comment s’articule la transition écologique au sein de l’Assurance maladie et quelles sont vos principales missions ?

Amandine : La transition écologique est une démarche éminemment transversale qui doit s’opérer à tous les niveaux et à travers l’ensemble des actions de l’Assurance maladie. Il était donc important de mettre en place une gouvernance qui rende possible cette transversalité. C’est aujourd’hui le cas avec d’une part la création d’une nouvelle instance de partage de la Cnam et du Réseau « le COPITec » (le comité de pilotage de la transition écologique), et d’autre part la création de nos deux missions chargées respectivement de piloter la transition sur le volet en interne, et en externe. 

Le COPITEc est une instance Cnam-réseau copilotée par la directrice de la Cpam de Lille Douai Carole Grard. Le COPITEc est composé de représentants des Cpam, des CGSS-Micor, des Carsat, des DRSM, des Ugecam et des CTI, des DCGDR. 

Ma mission porte sur la « transition écologique des organismes de l’Assurance maladie » et est rattachée à la direction déléguée aux opérations (DDO). Elle a pour objectif de piloter les actions de l’Assurance maladie en tant qu’entreprise de service public en lien avec l’ensemble des directions métiers : décarbonation du parc immobilier mais aussi les modalités de travail des salariés (transports, alimentation, déchets, politique d’achat…), de notre offre de service (ameli.fr, carte Vitale…) et de notre empreinte numérique (SI, data centers…). 

Quant à Claire, elle dirige la mission « transition écologique et santé environnementale » rattachée à la direction déléguée générale de l’offre de soins (DDGOS), et pilote le volet externe. 

Claire : Oui, en tant qu’actrice du système de santé et dans son rôle de financeur des activités de soin, l’Assurance maladie souhaite prendre toute sa part dans le défi de réduction des émissions de gaz à effets de serre, tel que fixé par les accords de Paris. Auprès de différents partenaires institutionnels, nous sommes engagés pour réduire l’impact carbone du médicament ou des transports pour soin par exemple. Les négociations conventionnelles avec les professionnels de santé et les stratégies de gestion du risque sont par ailleurs de très bons leviers pour impulser des pratiques vertueuses en termes de sobriété et de prévention. La mission que je dirige comprend également tout un volet sur la santé environnementale, puisque si la santé a des impacts négatifs sur l’environnement par les gaz à effet de serre qu’elle émet, la dégradation de notre environnement a elle aussi en retour des impacts sanitaires très importants (pollution atmosphérique, exposition aux perturbateurs endocriniens…). 

« L’appropriation des enjeux par le plus grand nombre est évidemment un levier essentiel. »

Comment faites-vous pour mobiliser les acteurs de la branche maladie afin qu’ils s’engagent dans une démarche commune de transition écologique ? 

Amandine : D’abord des engagements ont été pris dans la convention d’objectifs et de gestion (Cog), ce qui nous donne collectivement une vraie obligation de résultat. Nous avons ensuite fixé une feuille de route 2024 qui fixe nos priorités socles pour l’ensemble des acteurs et qui a fait l’objet d’un webinaire de présentation au réseau par le directeur général. Mais ce qui est très important pour nous, c’est aussi surtout de s’appuyer sur l’existant et les actions qui sont déjà mises en œuvre par les organismes, soit à l’initiative d’acteurs sensibilisés à la transition écologique dans le cadre d’expérimentations territoriales, soit au sein de la démarche RSO qui offrait déjà un cadre solide pour lancer des actions. La première action lancée par le COPITec a été d’effectuer un recensement des actions innovantes auprès du réseau pour capitaliser sur cet existant.

Claire : Parmi les actions transversales que nous avons priorisées au sein de notre feuille de route il y a évidemment aussi la formation des salariés. Nous visons 100 % des agents de direction formés d’ici la fin de l’année grâce au programme de l’EN3S, et l’ensemble des salariés de la Cnam sensibilisés via un module de e-learning. Ce n’est qu’un début car l’appropriation des enjeux par le plus grand nombre est évidemment un levier essentiel. Par ailleurs, nous essayons de nous rendre disponibles quand nos agendas nous le permettent pour intervenir dans les organismes qui souhaitent engager leur équipe dans une démarche de transition. Et nous sommes aussi ravies d’annoncer que cette année, un des trophées du concours d’innovation de l’Assurance Maladie « TAD’AM » sera dédié à la transition écologique !

En quoi la coordination entre les différentes branches de Sécurité sociale et les échanges avec d’autres acteurs institutionnels (comme le Club développement durable des établissements et entreprises publics) sont-ils essentiels pour garantir le succès des initiatives de transition écologique ?

Amandine : En matière de transition, le temps presse et la coopération des différents acteurs est essentielle. La coopération interbranche est indispensable. Et d’ailleurs, nous sommes en train de rénover l’outil de calcul du bilan carbone Perl’s en interbranche en partenariat avec ABC (l’Association bas carbone) pour pouvoir produire un bilan carbone dès début 2025 sur l’ensemble des scopes !

Nous avons rejoint depuis peu le Club développement durable des établissements et entreprises publics et sommes toujours preneuses de retours d’expérience, qu’ils soient français ou internationaux d’ailleurs. La Cnam souhaite s’investir pleinement aux côtés des autres partenaires de la sphère publique et sociale, dans la dynamique du développement durable et le partage des bonnes pratiques, de notre expertise et de notre expérience avec les autres membres.

Claire : Par ailleurs, on observe un vrai mouvement chez d’autres acteurs du secteur de la santé, coordonné entre autres par le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités à travers la planification écologique du système de santé dans le cadre de « France Nation Verte ». Aux côtés notamment du ministère de l’Économie et des Finances, de l’Anap, la HAS, l’ANSM, l’Ademe, la DNS, les ARS et la CNSA, la Cnam prend sa part dans le pilotage de cette feuille de route commune. C’est un bon cadre pour se mobiliser, se coordonner et aussi débloquer au fur et à mesure les obstacles qui pourraient se présenter à l’articulation de nos différents périmètres d’action.

« La Cnam souhaite s’investir pleinement aux côtés des autres partenaires de la sphère publique et sociale »

Pour conclure, quelles seront vos priorités en matière de transition écologique à l’horizon 2025 ?

Claire : Sur le volet externe, nous nous sommes fixés trois priorités « métiers » pour l’année 2024. La première porte sur la décarbonation du médicament. Il s’agit tout d’abord de préciser le poids réel de la chaîne de production du médicament au sein de l’empreinte carbone du système de santé (et nous travaillons pour cela en lien avec The Shift Project), mais aussi d’élaborer une méthodologie commune d’évaluation carbone des médicaments, produit par produit, pour permettre à l’ensemble de l’écosystème d’utiliser ces données pour orienter les choix vers les produits les moins émetteurs. Les deux autres priorités concernent la transformation écologique du transport pour soins (réduction du nombre de kilomètres parcourus, transports partagés, électrification des véhicules…), et la santé environnementale avec notamment la généralisation d’une action de prévention de la Cpam de l’Indre intitulée « opération zéro phtalates » sur les perturbateurs endocriniens. 

Amandine : Sur le volet interne, on partage les mêmes objectifs en matière de mobilité, mais appliqués aux déplacements de nos salariés et des assurés, notamment via les plans de mobilité, la promotion du co-voiturage, la réduction des déplacements en avion, etc. Ensuite avec un axe d’envergure sur l’énergie avec la poursuite de la rénovation thermique de nos bâtiments, le verdissement de nos sources d’énergie, la suppression des chaudières à gaz et à fioul, mais aussi un important volet sur la sobriété numérique.  

Nous poursuivons également des objectifs transversaux en commun comme la formation de nos salariés, et la mise en place d’outils de suivi et d’instances de pilotage qui permettent de piloter la transition sur la durée et de mesurer nos avancées années après années. 

Au-delà de ces priorités 2024, notre stratégie s’articule autour de trois enjeux fondamentaux : l’atténuation de notre empreinte et de celle du système de santé, la préservation de la santé et de nos ressources, et l’adaptation de nos missions aux enjeux environnementaux.

Haut de page