Animer la RSO dans un territoire d’Outre-mer

Sophie Miribel Rouffy

Isabelle Lebon, Cheffe de projet RSO à la Direction Régionale du Service Médical de la Réunion

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Figure incontournable de la RSO au sein de la Sécurité sociale, Isabelle Lebon est cheffe de projet RSO à la Direction Régionale du Service Médical (DRSM) de la Réunion depuis 2009 et référente régionale RSO des Départements et Régions d’Outre-mer depuis 2019. À travers cet entretien, nous explorons ses missions au service d’une démarche RSO dans les territoires ultramarins. 

Pouvez-vous nous présenter votre parcours et nous expliquer ce qui vous a conduit à évoluer dans le domaine de la RSO ?

Après avoir obtenu un diplôme supérieur en commerce international et en relations publiques, j'ai d'abord assouvi ma passion pour l'aéronautique en travaillant dans le secteur aérien, tout en explorant de nombreux pays et en développant un réseau professionnel. La découverte des différentes cultures et environnements m'a toujours semblé essentielle pour fonder mes perceptions sur des réalités observées plutôt que sur des suppositions. Le partage harmonieux des cultures à La Réunion a sans aucun doute facilité mon approche des différences.

À mon retour à La Réunion, je me suis investie dans le secteur de la santé et j’ai intégré, en 2005, la DRSM en tant qu'adjointe de manager, puis j’ai été nommée en 2009 cheffe de projet RSO avec la responsabilité d'une mission où tout était à construire.

Ma formation d’ambassadrice interministérielle de la stratégie nationale du développement durable auprès du Ministère de la Transition Écologique, m'a permis de m'immerger dans les enjeux cruciaux du développement durable face aux dérèglements alarmants de notre écosystème. L'intervention d'un représentant de l'ONU lors de cette formation a été un véritable catalyseur de prise de conscience pour l'ensemble des membres du réseau d'ambassadeurs. L'adoption des Objectifs de Développement Durable (ODD) par les États membres de l'ONU en 2015, ainsi que leur intégration dans le référentiel RSO de la Sécurité sociale en 2020, ont favorisé une approche cohérente et un langage commun universel.

Adepte du « penser global, agir local », je suis fière que mes actions et mon engagement aient été reconnus par les médias locaux, mais aussi des acteurs nationaux et internationaux, notamment Ushuaia TV dans un reportage sur les femmes engagées dans le développement durable de leur territoire, et plus récemment par les Nations Unies.

Comment est organisée la mission RSO au sein de la DRSM de La Réunion et quel est votre rôle ?

Au sein de la DRSM de La Réunion, j'assure le pilotage de l'activité RSO (plans, référentiels nationaux et objectifs à atteindre). En lien avec les services des achats, du budget, des ressources humaines et de l'informatique, j’assure la vérification des données nécessaires aux remontées nationales avant leur saisie. En étroite collaboration avec la direction, je participe aux Comités de Direction, où je fais le relai des résultats et propose des pistes d'amélioration. En charge de la communication, j’organise aussi tout au long de l'année des événements en lien avec les différentes thématiques de la RSO.

« La transition écologique offre une autre dimension à mes missions »

Dans ce cadre, les objectifs de la transition écologique de la Convention d'Objectifs de Gestion (COG), coordonnée par le Comité de Pilotage de la Transition Ecologique (Copitec) de la Cnam, sont venus offrir une autre dimension à mes missions en complétant les actions RSO internes avec des objectifs d’envergure visant la « décarbonation du système de santé ».

J’anime également les réunions d’un groupe de volontaires internes à la DRSM, « le Groupe Eco Citoyen », auquel participent des représentants de chaque service, toutes catégories professionnelles confondues. Sa finalité est de programmer ensemble des actions de terrain contribuant à l'atteinte des objectifs fixés. La composition des membres du groupe varie d'une réunion à l'autre afin d’ouvrir à tous la possibilité d’implication, leur mission est d'agir en tant que relais d'information et force de proposition. Il est d'usage d'inviter un expert extérieur pour apporter un éclairage thématique lors de ces réunions. En 2023, un expert de l'Office National des Forêts est par exemple intervenu pour nous sensibiliser à la protection de la biodiversité locale et à la gestion durable des forêts. En 2024, une climatologue de Météo France est venue nous partager des informations sur l'évolution du dérèglement climatique et ses impacts prévisibles sur notre territoire.

Je suis également responsable du pilotage et de l'animation du Groupement d’Entreprises Solidaires Ecoresponsables (Geser), un format innovant, composé d’entreprises et organismes voisins avec lesquels nous partageons des bâtiments.

Enfin, je suis référente régionale RSO du Groupe inter-Drom qui comprend les CGSS et DRSM de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Réunion ainsi que la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte (CSSM), huit organismes au total. Cette mission consiste notamment à accompagner les chefs de projets RSO dans l’élaboration de leurs plans d’actions et d’être le relai des informations nationales. L’animation de ce groupe est l’occasion pour la « domienne » que je suis, de créer du lien, de rassembler les belles énergies des personnes engagées dans cette activité et de mettre en valeur la richesse de nos territoires ultra marins.
 

Vous attirez souvent notre attention sur les spécificités ultramarines. Quels sont les défis auxquels vous faites face pour animer la démarche RSO sur ces territoires ? 

En tant que référente régionale RSO, je coordonne les actions d’une équipe d’acteurs multibranche, positionnés dans cinq régions situées dans des hémisphères différents. Nos réunions se déroulent avec des décalages horaires pouvant atteindre jusqu'à 8 heures. Je veille particulièrement à respecter les cultures et les organisations de chacun.

« Je coordonne les acteurs d’une équipe d’acteurs multibranche positionnés dans cinq régions, situées dans des hémisphères différents »

Les territoires ultramarins demeurent souvent encore mal connus et mal compris. Il est fréquent d'entendre parler des « Drom » comme d'un ensemble homogène, alors qu'en réalité, les Départements et Régions d'Outre-mer, qui comptent près de 2 230 500 habitants, présentent des similitudes tout en se distinguant par leur situation géographique, leur histoire, leur économie et leur culture. Chaque Drom est régi par sa propre politique de gestion du territoire, qui est guidée par des objectifs de modernisation et d'engagement sociétal, tout en faisant face à des défis spécifiques, qu'ils soient sociaux, environnementaux, climatiques ou économiques, vraiment très différents de ceux rencontrés dans l’hexagone.

« Les Drom présentent des similitudes tout en se distinguant par leur situation géographique, leur histoire, leur économie et leur culture »

Le déploiement des objectifs RSO nationaux nécessite une adaptation locale systématique en particulier lors des situations de crise (sanitaires, sociales, climatiques...) qui peuvent conduire les Drom à leur isolement et à une redéfinition de leurs priorités.

En matière de déplacements, le transport aérien est incontournable, tandis que les infrastructures routières sont très diversement développées : saturées pour certaines, faiblement structurées pour d’autres. L’importation de véhicules électriques génèrent des stockages de batteries qui s’ajoutent aux problématiques communes de traitement global des déchets. L'importation massive de biens, due à la non-autosuffisance locale, pose aussi des défis.

L’accès à l'eau, inégal et parfois très problématique est également un enjeu crucial. L’actualité récente nous montre à quel point les intempéries et les épisodes de sécheresse sur les territoires ultra marins peuvent être dévastateurs et contraindre à reconsidérer les priorités.

L'implication sur le territoire et le développement de partenariats demeurent des axes privilégiés pour encourager des engagements et des actions collectives sociétales.

Auriez-vous des exemples concrets d'actions mises en œuvre au sein du groupe inter-Drom ? 

Chaque chef de projet RSO des organismes des Drom fait preuve d'une grande motivation et d'un engagement fort dans la mise en œuvre d’actions RSO.

À titre d'exemple, la DRSM de la Réunion a créé en 2018 un Groupement d’Entreprises Solidaires Éco-Responsables (Geser), composé de la CGSS, la MGEN, la Sodiac (Société d’économie mixte) et la société Artelia (leader de l’aménagement du territoire). Unis par une charte d’engagement en faveur d’un avenir durable, ces partenaires mènent des actions concrètes sur les thématiques de la performance énergétique, l’économie circulaire, la solidarité et le bien vivre ensemble. Cette initiative génère une dynamique dont les retombées bénéficient à toutes les parties prenantes et contribue à l’atteinte d’objectifs institutionnels. Ce modèle a été présenté aux Drom, qui ont ensuite adapté et développé avec succès leur propre version du Geser.

En raison des contraintes liées à l’éloignement géographique, le groupe inter-Drom se réunit principalement en distanciel. Lorsque nous parvenons à organiser une rencontre en présentiel, nous nous retrouvons à Paris. La première réunion a eu lieu à la Cnam en 2021, suivie d'une seconde en 2023, organisée sur deux jours dans une salle du ministère des Outre-mer, avec la participation des responsables RSO de la Cnam et de l’Ucanss. Ces rencontres offrent au groupe l'opportunité d'échanger directement avec des experts et des ressources clés.

Fin 2024, la réunion du groupe a été organisée en distanciel en partenariat avec l’Ucanss et la mission RSO de la Cnam. Pour la première fois plusieurs Caf se sont associées à l’évènement permettant aux responsables RSO des organismes de Sécurité sociale des Drom d’échanger sur leurs pratiques. Un format particulièrement enrichissant que nous souhaitons renouveler pour mieux développer notre implication sur ces territoires.

Quelles sont les perspectives de ce groupe à l’horizon 2025 ?

Dans le cadre de la prochaine publication du schéma directeur de la transition écologique et de l'évolution du référentiel RSO, et face aux urgences sociétales actuelles, nous prévoyons d'organiser une réunion en présentiel durant le premier semestre. Cette rencontre réunirait les pilotes institutionnels de la RSO et de la transition écologique, et, si les conditions le permettent, des experts spécialisés dans les spécificités des territoires ultramarins.

Nous envisageons également la création d'une newsletter RSO inter-Drom, qui rassemblerait et mettrait en valeur les initiatives locales.

Pour conclure, quel message souhaitez-vous transmettre à un chef de projet qui souhaite lancer une démarche RSO dans les Drom ?

Je lui conseillerais d'adopter une approche progressive, en commençant par une formation solide et en prenant le temps de bien comprendre et diagnostiquer son environnement. Il est essentiel de favoriser l'acculturation et d'avoir une vision claire des objectifs avant de passer à l'action. En tant que référente, j'accompagne les nouvelles prises de fonction, en relayant les consignes institutionnelles. Une première prise de contact est cruciale pour clarifier les missions du chef de projet et le conseiller sur l'élaboration d'un plan d'action RSO annuel.

« Être chef de projet RSO est une mission unique, souvent confrontée à des défis qui exigent une grande énergie et une forte persévérance »

Être chef de projet RSO est une mission unique, souvent confrontée à des défis qui exigent une grande énergie et une forte persévérance, surtout dans un domaine qui ne fait pas toujours l'unanimité. C’est un chalenge quotidien extrêmement motivant et enrichissant, car il concerne des enjeux éthiques à fort impact sur le présent et l’avenir de tous. Après 16 ans d'engagement, je suis fière de contribuer activement à l'implication de notre institution vers un avenir durable.